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des vies. La bataille faisait rage sur tout le front de Verdun : la tâche la plus pressante était d’organiser la résistance afin de garder la rive droite du fleuve. Il remit à plus tard la reprise de Douaumont, car il sait que les obstacles tournent à leur heure et qu’il faut savoir attendre cette heure.

Le 3 avril, quand le général Nivelle, qui commandait alors le 3e corps, vint reconnaître le secteur qui lui était confié entre le bois de la Caillette au Sud-Ouest de Douaumont et Damloup, il fut accueilli par cette nouvelle : « L’ennemi s’est emparé du bois de la Caillette ; il s’est glissé dans le ravin du Bazil jusqu’à la voie ferrée de Fleury à Vaux. Qu’allez-vous faire ? — Attaquer. » Sa volonté d’offensive se manifeste immédiatement. Il a déjà le général Mangin auprès de lui à la tête de l’une de ses divisions. L’ennemi, cependant, ne cesse pas lui-même d’attaquer. Ses attaques et les nôtres se heurtent et se brisent. Les nôtres finissent par l’emporter et il doit remonter les pentes jusqu’aux abords du fort.

C’est dans la région de Frise, où il soutenait à la fin de février une lutte opiniâtre et difficile, que le général Mangin apprit la perte du fort de Douaumont. Ayant lu les radiogrammes allemands, il dit à ses officiers : « Les Allemands s’entendent à tirer parti de cet inconcevable succès. La reprise du fort par nos troupes serait un fait d’armes qui exciterait l’admiration de l’univers. Elle s’impose. » Un mois plus tard, sa division était appelée à Verdun. En avril, elle reprenait la Caillette. En mai elle rentrait, — pour 48 heures, — dans le fort. Lui-même avait vécu ces deux mois en intimité constante avec ce fameux fort qu’il visait. Dans ses reconnaissances, il l’avait approché de tout près, flairé pour ainsi dire comme une proie.

Ainsi l’opération de demain, — 24 octobre, — est-elle pour les trois chefs la réalisation d’une volonté ancienne. Le seul fait que les ordres sont donnés est, à y bien réfléchir, le gage du succès. Un projet longtemps porté, longtemps ajourné par suite des circonstances, s’il prend corps, c’est qu’il est mûr. Pourtant, Douaumont, quel morceau royal ! Il s’élève, comme un géant, au-dessus des autres collines de Meuse. Il est pour l’ennemi l’observatoire idéal qui domine les deux rives du fleuve. Comment l’ennemi ne mettrait-il pas tout en œuvre pour le garder ? Le fort de Vaux est le soutien ou la menace de la Woëvre. Il est la première clé de Souville. Par Vaux-Chapitre