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à Marseille par voie ferrée, nous sommes obligés de subir des tarifs homologués par le ministre des Travaux publics. Pour faire passer cette tonne du Havre à Liverpool, il nous est loisible de nous adresser à tous les pavillons du monde et plusieurs centaines de Compagnies peuvent s’en charger. Le fret a donc un cours mondial. Une marine marchande prospère doit être en mesure de résister aux fluctuations de ce cours. Ce résultat n’est acquis que si le prix de revient du transport n’est pas supérieur au montant du fret. Les lois qui régissent la composition de l’équipage, les salaires, l’organisation du travail, etc. ont donc une répercussion directe sur l’avenir même des entreprises de mer, parce qu’elles risquent de les placer dans une situation désavantageuse vis-à-vis des étrangers.

Nous savons à quels besoins vitaux répond chez nous l’existence d’une flotte en rapport avec nos mouvemens d’échange. Ne perdons pas la notion du but à atteindre. Il ne peut être réalisé qu’à condition de concilier le point de vue des équipages et celui des armateurs. C’est donc vers une entente bien comprise entre les uns et les autres qu’il faut s’orienter, en renonçant à cette lutte sourde et opiniâtre qui existait avant la guerre à l’état latent. Ce ne seront certes pas les armateurs consciens de leur rôle, qui mettront obstacle à la réalisation de cette nouvelle « union sacrée, » — mais encore ne faut-il pas qu’ils voient les écueils surgir de toutes parts sur leur route et qu’aux difficultés inhérentes à la navigation s’en ajoutent d’autres d’ordre plus électoral que politique. Donnez-nous de bonnes lois correspondant à l’état de struggle for life dans lequel nous devons nous débattre et nous aurons la marine marchande qui nous convient. Le patronat maritime sera d’autant plus enclin à reconnaître les services de son personnel que celui-ci n’hésite pas à donner, au cours de cette guerre, une nouvelle preuve de sa vaillance et de son abnégation.

Non seulement les marins ont fait honneur à leur tradition, à bord des bâtimens de guerre, dans cette chasse incessante et énervante contre les sous-marins allemands, mais encore ils ont été jetés dans les tranchées de l’Yser, et là, s’accrochant au sol comme aux dernières épaves d’un vaisseau, ils se sont fait tuer sur place plutôt que d’abandonner le poste d’avant-garde qui leur avait été confié. Cette œuvre glorieuse, ils l’ont accomplie avec un magnifique dévouement, bien qu’ils y fussent mal préparés.