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Nous n’oublierons pas non plus la conduite des inscrits, de ceux mêmes qui ne sont liés par aucune obligation militaire, à bord des bâtimens de commerce, où ils risquent chaque jour la torpille ennemie afin d’assurer le ravitaillement de la France. De tels services auxquels je m’empresse de rendre l’hommage le plus large ne doivent pas cependant m’empêcher de dire les vérités qui doivent être proclamées afin de sauver notre marine marchande de la décadence qui l’attend inévitablement, après la guerre, si nous n’avons pas le courage de renoncer à certains erremens incompatibles avec l’existence même d’une flotte de commerce.


LE NAVIRE

On sait qu’il existe différentes sortes de navires, notamment des voiliers, des cargo-boats et des paquebots. Mais ce qui frappe, quand on parcourt la liste de la flotte française, c’est l’insuffisance des cargos.

On a reproché à notre armement d’abuser des voiliers et de n’avoir pas construit suffisamment de vapeurs de charge en comparaison du nombre des paquebots en service. Les armateurs n’ont fait que suivre en cela les indications des pouvoirs publics. S’ils ont mis des voiliers sur cale, c’est qu’on les y a engagés en 1881 par l’octroi de primes élevées. À cette époque, la Rue Royale prétendait encore qu’il lui était nécessaire de former, à bord des trois-mâts barques, des gabiers pour équiper ses cuirassés. L’événement a montré l’erreur des bureaux de la Marine. Il serait d’autant plus injuste d’incriminer ici notre armement que la navigation à voiles, poussée chez nous à un haut degré de perfection, nous a rendu et nous rend encore actuellement pour le transport à longue distance des marchandises encombrantes, nitrates, nickel, phosphates, blé, maïs, etc. de très grands services. Quant à la disproportion entre les navires à passagers et les cargo-boats, elle tient à des causes analogues. L’État est également intervenu pour imposer d’abord la construction de bâtimens postaux qui devaient être transformés en croiseurs auxiliaires dès la mobilisation. L’armement français s’est donc conformé aux désirs des autorités compétentes ; il a dû se plier à leurs exigences : on ne saurait lui en faire grief. D’ailleurs, les paquebots figurent dans la liste de