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qui payent ainsi un tribut particulier. Les règles qu’elle pose sont en opposition tant avec le texte qu’avec l’esprit de la loi de 1907, et elles ont cette conséquence fâcheuse qu’elles faussent l’esprit des équipages, en inspirant aux marins une conception de leurs devoirs inconciliable avec les exigences de leur métier. En outre, elles ne répondent en aucune façon aux vues du législateur, qui se préoccupait de ménager aux inscrits un jour de repos et non une occasion de gain.

Il est un autre point sur lequel je me permettrai d’insister. Aux termes de l’article 262 du Code de commerce, le marin qui tombe malade pendant le voyage ou qui est blessé au service du navire, est traité et pansé aux frais de l’armateur ; en outre, il reçoit ses salaires jusqu’à son rétablissement, mais, si le traitement dure plus de quatre mois, l’obligation de lui verser des salaires cesse au bout du quatrième mois. L’article 262 est, sans contredit, de toutes les anciennes dispositions législatives, une des plus onéreuses pour l’armement, et celle dont l’application fait naître le plus d’abus. Elle est injuste parce que l’obligation qu’elle édicté fait double emploi avec celle qui découle de l’institution de la caisse de prévoyance qui, alimentée à l’aide de prélèvemens sur les armateurs, devrait assumer les frais d’accident ou de maladie des marins. Elle est abusive, parce qu’elle permet de faire supporter à l’armateur, parfois pendant plusieurs années consécutives, les frais de traitement d’un matelot dont la maladie, déclarée pendant le voyage, n’a cependant pas été contractée au service du navire. Et que dire de cette interprétation, pour le moins inattendue, qui consiste à mettre à la charge de l’armement les frais de traitement des maladies fâcheuses contractées par les marins ?

Cette iniquité s’explique fort bien, si elle ne se justifie pas. Dans tous les cas d’application de l’article 262 qui donnent lieu à des difficultés, il y a deux intérêts en présence : celui du marin et celui de l’armateur. Si l’armateur triomphe, le marin tombe à la charge de l’administration de la Marine : par suite, celle-ci a tendance à prendre fait et cause pour le marin. Il en va autrement lorsque le malade ou le blessé ne trouve pas en face de lui d’armateur sur lequel il puisse faire retomber, avec l’appui de la Marine, les dépenses de son traitement. Tel est le cas où l’armateur s’est libéré par avance de tous frais de traitement, en effectuant le versement forfaitaire prévu par