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de la Roumanie dans le conflit austro-serbe ; il se déclara très satisfait des assurances données par le Ballplatz touchant les intérêts roumains.


Mais, ajoute le comte Czernin, en soulignant ce passage de son rapport, au cas où la Russie marcherait contre nous, le Roi m’a dit que nous pourrions, hélas ! difficilement compter sur intervention militaire de la Roumanie.

Jamais je n’avais vu le Roi aussi ému, quand il me déclara que, s’il suivait les mouvemens de son cœur, son armée marcherait aux côtés de la Triple-Alliance, mais il ne pouvait pas : tant de choses avaient changé depuis un an qu’il se trouvait dans l’impossibilité de remplir ses engagemens. Néanmoins, il me chargea de dire à Votre Excellence qu’au cas même où la Russie entrerait dans le conflit, il garderait une stricte neutralité : aucune force au monde ne pourrait lui faire prendre les armes contre la Monarchie (austro-hongroise).


Obstiné pourtant dans son désir d’apporter une assistance efficace à l’Allemagne, Carol prit alors une mesure exceptionnelle : il convoqua un (c Conseil de la Couronne, » — où se trouvaient réunis les anciens présidens du Conseil et les chefs de l’opposition à côté des membres du Cabinet actuel, — pour lui exposer la situation internationale telle qu’il la comprenait- Ce Conseil se tint le 4 août, « au moment où l’opinion du pays était plus excitée que jamais contre la Triple-Alliance. » Le Roi, ainsi qu’il le raconta lui-même au comte Czernin, y avait plaidé chaleureusement la cause de l’intervention, montrant la situation périlleuse où se trouvait la Roumanie et les devoirs qui lui incombaient envers ses alliés.


Après une longue discussion au cours de laquelle le Roi exprima nettement sa manière de voir, le Conseil, contre toute attente (sic), estima, à l’unanimité moins une voix [1], qu’il n’y avait pas casus fœderis [2] et se prononça pour la neutralité. L’attitude de l’Italie a été pour beaucoup dans cette décision. Sa Majesté a protesté énergiquement contre une interprétation aussi mesquine (eine derartige

  1. Celle de M. Carp, l’homme politique connu depuis toujours pour ses opinions germanophiles.
  2. Le traité était, en effet, purement défensif. Il n’avait, d’ailleurs, jamais été ratifié par les Chambres. Aussi quand, pour la première fois dans cette réunion du 4 août 1914, Carol en révéla officiellement l’existence aux membres du Conseil de la Couronne, ceux-ci lui répondirent-ils qu’un pareil traité était sans valeur constitutionnelle et n’engageait tout au plus que la personne privée du Roi.