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faites en Russie ; la France devait envoyer des batteries lourdes.

Pour prix du concours de la Roumanie, M. Bratiano aurait réclamé :

1° Une offensive générale de l’Entente et une avance victorieuse des forces russes ;

2° Une garantie (Ruckendeckung) contre la Bulgarie ;

3° La Transylvanie, la Bukovine et le Banat ;

4° La Roumanie déclarerait la guerre à l’Autriche-Hongrie seule et non à l’Allemagne ;

5° Des fournitures de munitions et de matériel.

Le comte Czernin savait que la Roumanie ne possédait pas l’artillerie ni les munitions suffisantes et, avec une remarquable prévision, fondée sans doute sur des renseignemens fournis par ses agens secrets, il estimait, à la date du 28 juin 1916, qu’elle n entamerait pas les hostilités avant la seconde quinzaine d’août.

Il n’osait plus compter sur « la faible résistance du Roi qui, disait-il, influencé par M. Bratiano, allait commettre une honteuse trahison contre le sang des Hohenzollern. »

Cependant le président du Conseil, dans un long entretien qu’il eut, le 30 juin, avec le comte Czernin, chercha de nouveau à le convaincre de son vif désir de maintenir la neutralité, faisant valoir le mérite qu’il avait eu à ne pas profiter déjà, à plusieurs reprises, de la situation critique dans laquelle se trouvait la Monarchie autrichienne. « Actuellement encore, il aurait pu prendre possession de la Bukovine et il ne le faisait pas, mais il s’attachait à prouver combien sa situation était difficile, la peine qu’il aurait à lutter contre le sentiment national si l’Autriche ne parvenait pas à arrêter l’offensive russe. Le comte Czernin n’était pas dupe de ces déclarations ; il était persuadé que M. Bratiano ne parlait ainsi que pour mieux masquer ses projets : « Je crois, mandait-il encore dans son télégramme du 30 juin, que l’armée roumaine entrera en campagne dans six à huit semaines, c’est-à-dire aussitôt après les récoltes, quand on aura reçu les munitions envoyées de Russie, car, dans six semaines, dit-on, quinze wagons de fournitures militaires viendront journellement d’Arkangel et de Vladivostok : l’artillerie roumaine pourra alors tirer, en moyenne, 3 000 coups par canon [1]. »

  1. Hélas ! nous savons aujourd’hui comment la trahison de M. Sturmer a empêché la Russie de tenir ses promesses !