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Le comte Czernin chercha à flatter le ministre roumain en lui témoignant son admiration pour la façon habile dont il avait dirigé depuis deux ans les affaires du pays et avait su le préserver d’une catastrophe. « Alors, dit-il, M. Bratiano eut un mot qui a projeté comme une lueur électrique sur ses véritables sentimens : C’est bien vrai ce que vous dites, mais, cette fois, ce n’est plus du tout la même chose. La guerre touche à sa fin [1], et il montra l’Autriche n’ayant plus le nombre d’hommes nécessaire pour lutter contre les masses inépuisables de la Russie. » Le diplomate autrichien chercha naturellement à démontrer à son interlocuteur combien ses pronostics étaient faux : « L’Autriche et l’Allemagne possèdent encore de fortes réserves ; nous restons solides et unis, tandis que des signes évidens de profonde décomposition se manifestent dans le camp ennemi et je sais de science certaine que, déjà dans les prochaines semaines, la situation sera complètement changée. »

Le comte Czernin se rend bien compte alors (30 juin 1916) que M. Bratiano, très décidé à la guerre, « n’attend que l’heure propice pour faire une promenade militaire en Transylvanie ; le fruit ne lui parait pas encore assez mûr... Tout dépend de la tournure que vont prendre les événemens... »

Quelques jours plus tard (7 juillet), le diplomate autrichien, toujours exactement renseigné sur ce qui se passe dans la coulisse, mande à Vienne que les Puissances de l’Entente, devenant de plus en plus pressantes, ont, chacune séparément, menacé la Roumanie de ne pas s’intéresser à elle lors de la conclusion de la paix. Cependant, à la dernière réunion du Conseil des ministres, tous les membres présens, — à part le ministre des Finances, M. Costinesco, qui réclamait la mobilisation immédiate et l’entrée de M. Filipesco (le grand patriote francophile) dans le Cabinet Bratiano, — se sont ralliés à l’avis du président pour conserver encore provisoirement la neutralité...


Tout" indiquait que cette situation d’attente ne pouvait se prolonger longtemps. Le 12 juillet, Czernin signale les ordres donnés aux maires roumains concernant les provisions de vivres en vue d’une prochaine mobilisation ; les lanternes

  1. En français dans le texte.