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de Bucarest ont été voilées par précaution contre les avions, etc.

Le président du Conseil austro-hongrois tenait le Cabinet de Berlin au courant des informations recueillies par le comte Czernin et le Livre Rouge contient une longue lettre dans laquelle le baron Burian expose, le 18 juillet 1916, au prince de Hohenlohe, la situation telle qu’elle apparaît d’après les renseignemens fournis par le chargé d’affaires autrichien à Bucarest.

Cependant, le comte Czernin continuait à tenir son chef au courant des conversations qu’il avait avec M. Bratiano et les autres ministres : le 26 juillet, — un mois avant de commencer les hostilités, — le chef du Cabinet a encore cherché à le convaincre de ses intentions pacifiques. Il a convenu pourtant qu’au cas où la Monarchie dualiste s’effondrerait, il réclamerait la Transylvanie ; mais pareille éventualité ne se produira pas, car l’Autriche-Hongrie, unie à l’Allemagne, forme un bloc si puissant qu’on ne peut l’écraser. Il était obligé de rester en bons termes avec l’Entente pour en obtenir des munitions ; mais il n’avait pas contracté alliance avec elle, et il donnerait sa démission plutôt que de se jeter dans la guerre. Il lui fallait cependant ménager l’opposition dans le pays, user d’atermoiemens, agir, en un mot, très prudemment de peur de soulever une révolution. Quant à lui, il était persuadé que la guerre durerait encore longtemps et serait sans résultats…

Au lendemain du long entretien, que nous venons de résumer, le comte Czernin obtint une audience du Roi. Le souverain.se tint sur la réserve ; il affirma pourtant avoir les mêmes idées que son oncle, mais avec moins d’autorité. Il chercha de son mieux à rassurer son visiteur, reconnaissant que l’Entente exerçait une très forte pression à Bucarest, ce qui ne voulait pas dire que Bratiano céderait à cette pression, et « quand même Bratiano y céderait, ajouta-t-il, cela n’engagerait pas le Roi. » Sans doute, disait-il, Bratiano voudrait que la Roumanie eût sa part au cas d’un morcellement de la Monarchie dualiste, mais non amener ce morcellement, et, à ce sujet, le souverain établit une distinction considérable (que Czernin trouve bien subtile) entre profiter du partage (dabei sein) et y amener (herbeifuhren)… Il regrettait beaucoup l’état d’excitation et de fièvre dans lequel était le pays. Quant à la Russie « qui possède encore beaucoup d’hommes, mais qui manque