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nous en avons importé pour 1 817 millions et pour 4 076 millions en 1916. Rien n’indique, — pour employer une expression chère aux mathématiciens, — un « point d’inflexion » prochain dans la marche ascendante de cette courbe. La décision récente de nos nouveaux alliés, les États-Unis, de nous consacrer de préférence et d’abord leurs exportations est évidemment un symptôme rassurant ; mais si nous admettons qu’il suffise à mettre en balance les effets d’un développement encore plus grand de la piraterie sous-marine allemande, il n’en restera pas moins que notre facilité d’importer a diminué pendant que notre besoin d’importer augmente. Pour que cette situation n’aboutisse pas à une impasse, on a fini — on aurait pu commencer par là — par comprendre que le meilleur moyen est de développer notre propre production agricole. (Tout ceci d’ailleurs pourrait s’appliquer avec peu de changement aussi à notre industrie.)

Il y aurait théoriquement plusieurs manières d’augmenter la production de notre sol. La plus rationnelle serait d’améliorer son rendement moyen à l’hectare par des procédés scientifiques que j’ai indiqués naguère ici même, et basés sur un travail plus minutieux de la terre ; la seconde serait de remplacer la main-d’œuvre humaine et animale de plus en plus rares, par les procédés mécaniques de la motoculture. Malheureusement, ces deux méthodes qui s’imposeront après la guerre ne sont pas applicables sous l’aiguillon des nécessités présentes : la première parce qu’elle exige une expérimentation scientifique de longue haleine et des perfectionnemens dans l’enseignement agricole qui ne peuvent être l’œuvre de quelques semaines ; la seconde parce que l’importation des appareils de motoculture est actuellement très difficile, et que leur fabrication sur notre territoire est actuellement presque impossible, toutes nos industries mécaniques et celles notamment de l’automobile étant réquisitionnées pour les besoins immédiats de l’armée.

Il ne reste donc qu’un remède, c’est de tâcher de récupérer tant bien que mal, périodiquement, les hommes nécessaires au travail de la terre. On sait quelles discussions passionnées ont eu lieu récemment sur ce sujet à propos des permissions agricoles à accorder aux classes anciennes de mobilisés, et comment une entente qui respecte tous les intérêts en cause, — et dont le plus immédiat est, il ne faut pas l’oublier, le maintien de l’effectif utile de nos armées, — a pu s’établir à cet égard entre le ministre de l’Agriculture et le commandement.

La main-d’œuvre étrangère et celle de nos colonies peuvent et