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des articulations qui ne jouent plus ou qui jouent mal, des nerfs qui obéissent peu ou point, des os déformés, des cicatrices adhérentes, profondes ou superficielles. Toutes ces navrantes séquelles des blessures de guerre laissent le blessé plus ou moins impotent. Il a besoin, comme un tout petit enfant, de réapprendre peu à peu à se servir à nouveau de son corps ou de ses membres meurtris.

Cette « rééducation » des blessés, — je ne sais si le mot est très français mais la chose l’est assez pour que le mot lui-même ne tarde pas à entrer dans la langue, — cette remise en train de leur organisme qui a pour but de rétablir les fonctions diminuées et de suppléer à celles qui sont abolies, est en réalité la partie la plus importante de la guérison. C’est elle qui, d’un impotent qui fût sans cela devenu non seulement une inutilité mais une charge pour la nation, doit refaire soit un combattant pour le front, soit un travailleur productif pour l’arrière. Mais il ne s’agit point seulement ici de l’intérêt collectif ; celui de l’homme qui a saigné pour la Patrie doit légitimement primer tous les autres.

Ce mutilé qui, abandonné à lui-même, fût tombé dans le découragement et dans une oisiveté néfaste pauvrement nourrie par une médiocre pension, en le guérissant lorsqu’on le peut de l’incapacité fonctionnelle de ses membres, on lui rend la dignité et la liberté, qui sont les deux ailes d’une belle vie et sans lesquelles il n’y a point de joie à respirer.

Si, hélas ! un certain nombre sont condamnés presque sans merci à l’impuissance, la plupart des blessés et même des grands blessés sont justiciables d’une rééducation.

Déjà avant la guerre, dans beaucoup de pays et notamment dans les pays scandinaves, il existait, il y a de longues années, des centres destinés, pour un but analogue, aux infirmes. La Russie fit ensuite des établissemens du même genre destinés aux mutilés de la guerre russo-japonaise. Il n’y avait qu’à s’inspirer de ces précédens ; mais on a fait mieux encore.

Depuis de nombreux mois, dans presque tous les principaux hôpitaux de France ont été créés des centres de rééducation où on emploie surtout les diverses méthodes de la « physiothérapie. » Encore un mot nouveau et qui désigne une chose vieille comme l’humanité puisqu’il s’agit du traitement physique des patiens. Ainsi, lorsqu’un contemporain d’Hippocrate massait un de ses cliens qui s’était d’aventure cassé un bras, il faisait, à l’instar de M. Jourdain, de la physiothérapie sans le savoir.