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D’une manière générale, il semble que cette psychologie compte principalement, pour briser les forces morales de l’adversaire, sur la terrorisation, laquelle atteindra son maximum, si l’action est aussi violente, horrible, imprévue et subite que possible. Et sa grande maxime, c’est que l’idée, chez l’homme, ne venant qu’après le fait, dont elle n’est que la traduction mentale, le jugement d’approbation ou de désapprobation n’étant, dès lors, que la constatation, en langage de conscience, du succès ou de l’insuccès confirmé, peu importent les moyens que l’on aura employés pour arriver à ses fins : tôt ou tard, ce qui aura duré sera proclamé la règle de la justice, du droit, du vrai, du bon et du bienfaisant.


Se peut-il que de telles conceptions de la vie et de la guerre suscitent dans les âmes ces forces morales qui, selon la doctrine allemande elle-même, sont la condition essentielle de la victoire ?

Nul doute que ces idées ne jouissent actuellement, chez nos ennemis, d’une efficacité imposante. Elles déterminent, par la discipline de fer où elles s’incarnent, cette tension constante, cet effort d’ensemble, un et aveugle, qui est le pendant psychique des grandes forces de la nature. L’encadrement, l’organisation, qui annihilent l’individu, produisent, comme fatalement, l’identité des sentimens et des volontés. L’appel, officiellement fait, aux passions ignobles de jouissance et de profanation, par exemple, ne peut manquer d’être avidement entendu par un peuple qu’une culture quasi exclusivement physique et intellectuelle a laissé presque à l’état brut, en ce qui touche les côtés affectifs et moraux de la nature humaine.

Il y a, d’ailleurs, une puissance redoutable dans le fait d’être l’homme d’un seul livre, d’un seul point de vue, d’une seule idée. Grâce à la savante combinaison de connaissances et d’ignorances, de faits vrais et de faits faux, d’érudition et de théories, qui constitue ce bouillon de culture qu’on appelle l’enseignement national allemand, la nation allemande aperçoit l’ensemble des événemens humains, depuis la création du monde jusqu’à nos jours, comme formant un système parfaitement lié, dont la signification, à chacune des phases de son développement, n’est autre que l’acheminement vers la réalisation