Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/540

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en promettant à l’homme l’assistance divine, attend de lui qu’il agisse, pour sa part, de toutes ses forces. « Nous sommes, dit saint Paul, les collaborateurs de Dieu. »

La condition première d’une action puissante et féconde, c’est l’union. Jamais elle ne fut aussi indispensable. Quod natum est, disait Lucrèce, id procreat usum : l’organe crée la fonction. Le progrès inouï des moyens de communication a suscité des organisations de plus en plus considérables. Une organisation large et solide est désormais, sur tous les champs de bataille, la condition indispensable d’une action victorieuse.

Les champions du droit n’ont eu garde de méconnaître cette loi des temps modernes. Ils ont créé la noble devise : « Union sacrée. » Et beaucoup d’admirables discours ont, sur ce thème, fait vibrer les cœurs. Il n’est pas certain, toutefois, que cette formule, telle du moins qu’elle est souvent interprétée, suffise à produire le genre d’unité que réclame la guerre actuelle.

Plusieurs, en prononçant avec une conviction émue le mot d’union sacrée, entendent que, provisoirement et dans la mesure qu’ils jugeront convenable, ils mettront de côté leurs revendications particulières, pour se consacrer, le plus largement possible, à la défense nationale. Ils ne dissimulent pas, d’ailleurs, qu’au fond de leur cœur ils conservent religieusement toutes leurs idées, et qu’ils s’empresseront de les remettre en avant dès que la paix sera suffisamment rétablie. D’aucuns se plaisent à conjecturer que les événemens actuels eux-mêmes doivent nécessairement profiter à la cause qui leur est chère et assurer le triomphe de leur parti. Et ils trouvent très pratique d’employer le présent à préparer l’avenir spécial qu’ils ont en vue.

Telle est la manière dont certains entendent l’union sacrée et le patriotisme. On ne peut s’empêcher de se demander si cette préoccupation inquiète de reprendre, aussitôt la guerre terminée, les querelles et les luttes d’antan, au point précis où on les a laissées le 3 août 1914, en se faisant gloire de n’avoir rien appris, rien oublié, est vraiment la disposition la plus favorable à l’accomplissement du devoir présent. Ne semble-t-il pas que, pour de tels esprits, la guerre risque de se réduire à un pénible cauchemar et à un fâcheux intermède, dont il importe, avant tout, de hâter la fin ? Est-il sûr que ceux qui pensent ainsi se donneront tout entiers au devoir actuel, et