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réaliseront cette unité profonde et vraie de pensée, de sentiment et d’action, qui est la condition de la victoire ? Et, pour ce qui est de l’avenir, auquel, certes, nous devons, de toutes nos forces, songer dès maintenant, n’est-il pas certain qu’il dépendra, en première ligne, de la manière dont nous aurons conduit et terminé cette guerre ? L’avenir, c’est en ce moment même, ou jamais, que nous le faisons. L’heure actuelle sera, pour l’histoire, un point de départ.

Gardons-nous donc de croire que nous ayons assez fait pour la patrie en prononçant, chacun à sa manière, le mot d’union sacrée. La patrie demande davantage. Lorsque M. Lloyd George, devenu premier ministre, se retrouva dans la Chambre des Communes, il s’écria : « Il n’y a plus de partis. — Monsieur le Premier, lui répondit M. Asquith, il n’y a plus d’opposition. »

Est-ce à dire, maintenant, que les idées, les discours, les formules ne puissent en aucune façon être efficaces ? Ou bien faut-il admettre que, si l’idée peut n’être, en effet, qu’une abstraction et le mot n’être qu’un bruit, il est, d’autre part, certaines idées et certains mots, qui, déjà, sont, véritablement, des vouloirs et des forces ?


Il est impossible de vaincre un adversaire puissamment armé, si l’on n’étudie ses moyens d’action, et si l’on ne met à profit les résultats de cette étude. C’est, naturellement, ce que font, dans leur domaine, nos chefs militaires. L’examen critique des forces morales ennemies n’est pas moins utile que celui des forces matérielles.

Les Allemands appliquent avec une logique sans scrupule (rücksicktslos) leur maxime : Krieg ist Krieg : « La guerre est la guerre. » Etant donné l’état de guerre, ils écartent, purement et simplement, tout ce qui ne tend pas à réaliser la fin de la guerre, telle qu’ils la conçoivent, et ils admettent indistinctement tout ce qui va dans ce sens.

Avant tout, l’Etat allemand décrète, chez ses citoyens comme chez ses soldats, l’abolition totale des volontés individuelles et leur transmutation en une volonté nationale rigoureusement une. « Dès que l’état de guerre existe, lit-on dans le calendrier populaire Kunst und Leben pour 1916, le fantôme