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traité, d’une convention, d’un chiffon de papier, pour maintenir dans les limites du droit les agresseurs de la Serbie, les violateurs de la neutralité belge, les massacreurs des populations civiles, les restaurateurs de l’esclavage, les organisateurs de la guerre sous-marine faite traîtreusement au monde entier. Après comme avant la guerre, les Allemands réussiront, si leurs ambitions sont demeurées les mêmes, à déjouer toutes les précautions, à tourner tous les obstacles. Sans doute, les difficultés qu’ils rencontreront, au début, seront considérables ; mais l’Allemand est patient, dissimulé, insinuant quand il est faible, trameur d’intrigues, habile à parler la langue et le langage des autres peuples, empressé à flatter leurs ambitions, leurs idées et leurs goûts. Il n’est obstacle qui rebute sa ténacité, et qu’il ne s’évertue à convertir en auxiliaire. L’Allemagne de demain aura conscience d’avoir, pendant des années, résisté à l’univers. Quoi qu’il arrive, il est invraisemblable qu’elle se juge vaincue définitivement. C’est par l’épreuve, par la souffrance, par la chute, par le péché, selon la théologie allemande, que l’âme conquiert le salut. Les Allemands sont faits à cette idée, que le mal est l’instrument du bien, que la défaite est le prélude de la victoire. C’est ainsi que Sedan, à leurs yeux, découle d’Iéna, et le nouvel Empire allemand du traité de Westphalie. La prise de Verdun, qu’ils ont poursuivie avec tant d’acharnement, devait être, notamment, dans leur pensée, la consommation de leur effort séculaire pour rayer de l’histoire la date de 1648, qui avait confirmé le traité de Cateau-Cambrésis et consacré le triomphe de la France dans la guerre de Trente Ans. Se venger, punir, Rache, Straffe, ce sont les deux mobiles d’action qu’ils demandent au passé de leur fournir.

Et que l’on ne s’abuse pas sur la portée des divisions intérieures qui peuvent se produire en Allemagne. L’idée allemande, l’orgueil allemand, le culte de l’organisation allemande sont communs à tous les partis. L’impérialisme marxiste n’est pas moins pangermaniste que l’impérialisme gouvernemental. Et les organisations civiles sont des organisations militaires. Rappelons-nous l’avertissement de Henri Heine : « Quoi qu’il arrive en Allemagne, écrivait-il en 1833, Français, soyez sur vos gardes, demeurez à votre poste, l’arme au bras ! » C’est que, avide de pouvoir et d’indépendance collective, la démocratie allemande l’est encore plus des richesses du pays de France.