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réconfortez-vous au sujet de votre fils. Ne déchirez pas mon cœur en me parlant de vos années. Dussions-nous devenir tous les deux aussi vieux que des éléphans, je suis toujours votre fils qui viendra vous demander, comme je le disais, à votre porte.

Quant aux risques de mort, qui en est exempt nulle part ? Ce n’est certes pas dans le Pendjab. J’apprends que tous ces mendians religieux de Zilabad ont proclamé une foire sainte cet été afin de se faire nourrir par des personnes pieuses, et que, s’étant maintenant réunis par milliers au bord de la rivière pendant les chaleurs, ils ont propagé le choléra dans tout le district. Le monde entier est livré aux troubles furieux, mère, et il a fallu que ces fils de gens de rien préparent un festival de mendians pour ajouter à tant de maux. Il devrait y avoir un ordre du gouvernement de faire sortir de l’Inde tous ces coquins fainéans et de les transporter en France et de les envoyer sur le front, de telle sorte que leurs corps puissent être des cibles pour la mitraille. Pourquoi ne peuvent-ils pas noircir leurs visages et s’étendre dans un coin avec une croûte de pain ? Il est certainement juste que les familles nourrissent leurs prêtres, mère ; mais, quand les paresseux s’assemblent par milliers, quémandant, et provoquant les maladies, et souillant l’eau potable, il faudrait leur administrer un châtiment.

Beaucoup de maladies, telles que le choléra et la dysenterie, proviennent de ce qu’on boit de l’eau impure. Donc, il vaut mieux la faire bouillir, mère, quoi qu’on en dise. Quand les vêtemens sont lavés dans l’eau impure, la maladie se propage encore. Vous allez dire, mère, que je ne suis plus un cavalier, mais une blanchisseuse ou un apothicaire ; mais je vous jure, mère, que ce que j’ai dit est vrai. Alors, j’ai deux recommandations à vous adresser au sujet de la maison que vous dirigez. Je vous prie, ma mère, de donner l’ordre que mon fils ne boive que de l’eau qui ait été bouillie, du moins depuis le commencement des chaleurs jusqu’après les pluies. Voilà une des recommandations. La seconde est celle-ci : comme je descendais vers la mer avec le régiment, la dame docteur Sahiba, des services civils, demanda à la dame de notre colonel s’il y en avait parmi nous qui désiraient faire prendre à leur maisonnée le charme contre la petite vérole. J’étais alors occupé de ma besogne et je ne répondis pas. Faites maintenant savoir à la Sahiba docteur que je désire qu’elle veuille bien faire prendre le