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beaucoup plus d’influence pour moi auprès de mon colonel. Il est fort avide de notre classe de Mahométans. Il en prendra autant qu’il en viendra.

Mère, notre Pir-Murshid aussi est un très saint homme. S’il leur prêchait après la moisson, il trouverait beaucoup de recrues, et je serais promu, et la pension des familles augmente avec la promotion. Dans peu de temps, avec l’assistance de Dieu, je pourrais commander une unité, si les recrues atteignaient un nombre suffisant grâce aux efforts de mes amis et de ceux qui me veulent du bien. L’honneur d’un de nous est l’honneur de tous. Exposez tout ceci au Murshid et à mon oncle.

La cavalerie n’a encore rien fait qui puisse être comparé à notre régiment : c’est peut-être le sort qui l’a voulu ; peut-être aussi les autres ne nous valent-ils pas. Il y a grand honneur à retirer de la lance avant qu’il soit longtemps. La guerre retrouve la liberté de ses mouvemens, et l’on envoie en avant des patrouilles de cavalerie. Nous avons repoussé Mama Lumra [1] de plusieurs milles à travers le pays. Il s’est enraciné de nouveau ; mais ce n’est pas le même Mama Lumra. Son arrogance a disparu. Nos canons retournent la terre de fond en comble sur lui. Il s’est construit des maisons souterraines qui sont de véritables forteresses, avec des lits, des chaises et des lumières. Nos canons les défoncent. Il y a peu à voir, parce que Mama Lumra est enseveli sous terre. Ces jours-ci sont complètement différens des jours où toute notre armée était ici et où les canons de Mama Lumra nous écrasaient jour et nuit. Maintenant, Mama Lumra mange son propre bâton. Le combat continue dans le ciel, sur terre et sous terre. Il a été rarement donné à personne de voir pareil combat. Pourtant, si la pensée se reporte à Dieu, ce n’est rien de plus que la pluie sur un toit.

Mère, j’ai été porté une fois « manquant, tué ou supposé fait prisonnier. » J’étais allé avec une patrouille à un certain endroit au delà duquel nous nous avançâmes jusqu’à une position qui avait été récemment prise par l’infanterie anglaise. Soudain le feu de l’ennemi s’abattit sur nous et derrière nous comme une averse. Voyant que nous ne pouvions pas battre en retraite, nous nous étendîmes dans des trous d’obus. L’ennemi fit les plus grands efforts, mais nos canons, l’ayant trouvé, le bombardèrent et il cessa. Le soir, nous sortîmes des trous d’obus. Nous

  1. Surnom de l’ennemi.