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avions à marcher ; le temps était lourd et nous souffrions de la soif. Aussi nos cœurs furent-ils soulagés quand nous rentrâmes au régiment. Nous avions tous été signalés au quartier général de la Division comme perdus. Ce faux rapport fut donc annulé.

Les trous d’obus dans le sol sont de la dimension de notre parc aux chèvres et, en profondeur, de ma hauteur avec le bras levé. Leur nombre est tel qu’on ne les peut compter et il y en a de toutes les couleurs. C’est comme la petite vérole sur la face de la terre.

Nous n’avons point de petite vérole ni de maladies ici. Nos majors sont impitoyables : ils font brûler tout ce que ramassent les balayeurs. On dit qu’il n’y a pas de médecin comme le feu : il ne laisse rien aux mouches. On dit que les mouches produisent les maladies, particulièrement quand on les laisse se poser sur les narines et au coin des yeux des enfans ou tomber dans leurs pots à lait. Souvenez-vous de cela. Les jeunes enfans de ce pays de France sont beaux, et ils ne souffrent point de la maladie. Les femmes ne meurent pas en les mettant au monde. Ceci est dû aux médecins et sages-femmes qui abondent en savoir. C’est un ordre du Gouvernement, mère, qu’il est impossible à une sage-femme de s’établir si elle n’a pas prouvé ses capacités. Ce peuple est idolâtre, mais il ne manque pas de sagesse. Quand il se produit une mort qui n’est pas causée par la guerre, on l’attribue immédiatement à quelque faute du défunt concernant le manger ou le boire ou la manière de vivre. Si quelqu’un meurt sans cause apparente, les médecins mutilent immédiatement le corps pour s’assurer du mal qui se cachait à l’intérieur. Si l’on découvre quelque chose, il y a procès criminel. Ainsi la gent féminine ne trafique pas des poisons, et les femmes du mort n’ont pas lieu de se soupçonner mutuellement. En vérité, mère, le monde ne pèche que par ignorance. Le savoir et les connaissances sont les choses importantes.

Vos lettres m’arrivent à chaque courrier comme si nous étions à notre quartier général. On n’obtient ce résultat que par le savoir. à y a des centaines de femmes derrière nos lignes qui nettoient et réparent les vêtemens sales des troupes. Après quoi ils sont passés au four à des températures très hautes qui détruisent complètement la vermine et aussi, dit-on, les maladies. On nous a aussi distribué des casques en fer pour protéger la tête