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contre la chute des projectiles. On nous a demandé à tous s’il y avait quelque opposition de notre part. Ils sont plus lourds que le pagri [1], mais ils font dévier les balles. Sans doute c’est la volonté d’Allah que la vie de ses fidèles soit prolongée grâce à ces coiffures. Il veille particulièrement, pour les rendre à leurs mères, sur les fils qui vont aux pays étrangers.

Nous savons très bien comment le monde est fait. Gagner sa vie et supporter les peines est le devoir de l’homme. Si je vous fais savoir que j’ai gagné un grade au régiment, n’oubliez pas de distribuer des aumônes jusqu’à concurrence de quinze roupies et de nourrir les pauvres.


Mère, penchez votre oreille et écoutez-moi. Il n’y a aucune espèce de danger dans les images que font les boîtes [2]. Quiconque s’y soumet reste à tous égards comme il était avant. On ne lui prend rien de son esprit. Je me suis moi-même prêté, mère, à bien des images de ces boîtes, soit à cheval, soit debout à côté de mon cheval. Si jamais la Sahiba docteur Zénana désire de nouveau faire de mon fils une de ces images, ne lui arrachez pas l’enfant, mais laissez-la prendre l’image et envoyez-la-moi. Je ne peux pas le voir dans mes rêves parce que, à son âge, il change à chaque mois. Quand je suis parti, il commençait à peine à marcher à quatre pattes ; maintenant vous me dites qu’il se tient debout en s’accrochant aux jupes. J’ai vraiment très grand désir de voir cela sur une image. Je sais lire les images maintenant aussi parfaitement que les Français. Quand j’étais nouveau dans ce pays, je ne pouvais pas comprendre du tout leur signification. C’est qu’il faut la connaissance qui vient des voyages à l’étranger et de l’expérience. Mère, ce monde abonde en merveilles qui dépassent tout ce qu’on peut croire. Nous, dans l’Inde, ne sommes que des pierres en comparaison de ces gens. Ils n’ont pas de procès entre eux ; ils répondent du premier coup la vérité ; ils ne se marient pas avant d’avoir de part et d’autre au moins dix-huit ans, et aucun homme ici n’a pouvoir de battre sa femme.

J’ai été logé chez un vieillard et sa femme, qui possèdent sept poules, un âne et un petit champ d’oignons. Ils ramassent le crottin de nos chevaux dans les rangs et l’emportent sur leur dos, très peu à la fois, mais d’une manière continue. Ils n’ont

  1. Turban.
  2. Photographies instantanées.