Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/559

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa grand’mère dont il n’a aucune peur. Il n’a peur de rien. Ma mère, il est presque tout pareil au mien. Il lui envoie ses salutations. Il l’appelle « mon frère qui est dans l’Inde. » Il prie aussi pour lui tout haut, devant une idole qu’on le mène adorer. Comme il est très gras, il ne peut pas encore s’agenouiller longtemps et tombe de côté. L’idole représente Bibee Miricm [1], que dans ce pays on croit être la gardienne des enfans. Il a aussi une petite idole à lui au-dessus de son lit, qui représente un certain saint appelé Pir. Il monte sur l’âne et dit qu’il veut devenir soldat dans la cavalerie. Je fais mes délices de sa présence et de sa conversation.

Les enfans de ce pays sont instruits dès leur naissance. Ils vont aux écoles, même quand les obus tombent tout à côté. Ils connaissent tous les pays du monde, savent lire et écrire dans leur langue et calculer. Même les petites filles de huit ans savent calculer, et celles qui sont en âge de se marier connaissent à fond la cuisine, les comptes, la direction d’une maison, le blanchissage des vêtemens, l’agriculture, la confection des habits et toutes les autres charges, sinon elles sont tenues pour faibles d’esprit. On donne à chaque jeune fille une dot à laquelle elle ajoute de ses propres mains. Aucun homme ici ne moleste une femme dans aucun cas. Elles vont et viennent à leur gré pour leurs affaires. Il y a une chose dont je serais bien content, mère. Je serais bien content que tous les hommes de l’Inde fussent transportés en France avec toutes leurs femmes pour voir le pays et profiter de leurs expériences. Ici il n’y a point de querelles ni de discordes, et il n’y a point ici de malhonnêteté. Tout le long du jour, les hommes ici font leur tâche et les femmes font la leur. En comparaison de ces gens, les gens de l’Inde ne travaillent pas du tout. Tout le long du jour, dans l’Inde, ils sont occupés à de mauvaises pensées et les femmes tout le long du jour, dans l’Inde, ne font rien que se quereller. Si les choses sont en cet état, mère, la faute en est aux hommes de l’Inde, car si les hommes voulaient éduquer les femmes, elles abandonneraient les disputes.

Quand un homme va courant de par le monde, son entendement s’élargit et il devient habile aux différentes tâches. Le tout est de montrer du courage. A l’heure présente, chacun fait

  1. La Vierge Marie.