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objectif, et, comme deuxième, les pentes Nord du ravin de la Couleuvre. C’est un terrain accidenté qu’un bombardement de huit mois a achevé de bouleverser, tout en bosses, en taillis arrachés, en déclivité tantôt lente et tantôt rapide, nid à traquenards et à surprises, propre à une guerre d’embuscades, à une guérilla. Il faudra parvenir jusqu’à la route de Douaumont à Bras pour tenir le village et interdire à l’Ouest l’accès du fort. La difficulté, sur un pareil terrain, sera de maintenir les liaisons. On se perd de vue aisément, on ne peut garder la même allure sur la raideur des pentes et sur les surfaces plates. Le combat se rompra en une multitude d’épisodes. Ici, l’on avance presque sans rencontre mauvaise. Là, il faut s’attarder à l’assaut d’un blockhaus ou d’un élément de tranchée. La beauté de la manœuvre sera d’assurer l’unité de la marche et de pousser au but sans s’attarder aux détails de l’opération. Les hommes passeront par-dessus des abris armés et bourrés de garnison, continueront leur course au delà de l’obstacle franchi, quitte à revenir ensuite vérifier le terrain acquis et briser les résistances qui s’y pourraient encore dissimuler ou laissant le soin de ce nettoyage aux dernières vagues d’assaut. Le soir du 24 octobre et même les deux ou trois jours qui suivront, des redoutes du ravin de la Dame et du ravin de la Couleuvre seront encore explorées, assiégées et réduites : il en sortira des prisonniers qui n’auront pas soupçonné les résultats de notre victoire et qui seront surpris d’avoir été dépassés.

La merveille de l’opération, pour les tirailleurs et les zouaves, sera donc d’avoir suivi rigoureusement l’horaire fixé et de s’être donné la main sans interruption de la chaîne.

A la gauche, les deux bataillons de tirailleurs, — bataillon Bureau et bataillon Donafort, — marchent accolés. Sur le départ des troupes indigènes, le commandant Hoog, chef d’escadrons au 4e régiment de spahis, adjoint au colonel commandant le 8e régiment de tirailleurs, rapporte cet incident caractéristique au point de vue des résultats de notre politique musulmane et de l’attachement indéfectible qu’elle a su inspirer pour la France : « Aussitôt après la sortie des tranchées, qui s’était accomplie dans un ordre parfait et dans un calme impressionnant de grandeur et de beauté, les tirailleurs indigènes qui se portaient en avant dans le cercle immédiat du commandant Donafort se précipitent sur leur chef dans un élan joyeux, lui