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du ravin de la Fausse-Côte et les tenir jusqu’à l’Ouest de l’étang de Vaux. « ... Onze heures trente-cinq, disent les carnets du 107e bataillon de chasseurs, un silence solennel ; encore cinq minutes... encore quatre... encore trois... Enfin, un coup de corne retentit, un cri qui semble unique, mais qui sort de toutes les poitrines, lui répond, et l’on part... Le terrain est abominablement détrempé : c’est avec peine, mais gaiement qu’on patauge dans la boue jusqu’au-dessus des genoux, évitant les trous d’obus innombrables. A peine cent mètres faits, on aperçoit une masse grise, compacte, en colonne par quatre et surmontée de bras levés au ciel. Cela crie en chœur : « Kamarades ! » Eh quoi ! ce sont là les Boches ! Mais ils ne se défendent pas : les voilà supplians, et il y en a la valeur de plus de deux compagnies ! L’enthousiasme grandit au point qu’à peine s’aperçoit-on que la tranchée de Sophie est dépassée et qu’on est déjà à la tranchée d’Elsa. Et voici à gauche les camarades du 116e bataillon de chasseurs alpins : pour un peu, on se jetterait à leur cou. Les officiers, non sans peine, arrêtent le flot ; on souffle et l’on se met en ordre. Puis, sur la droite, on aperçoit d’autres camarades : c’est le 401e avec lequel on va marcher maintenant. Vite, on prend langue : la 1re compagnie s’aligne et se tient prête à Hier avec le beau 401e. Le moment vient d’aller au deuxième objectif : bah ! ce sera comme pour le premier, et les abris boches fourmillent de matériel abandonné, même de mitrailleuses en parfait état... Mais où donc sont les Boches ? Le ravin du Bazil est traversé sans encombre, comme à la parade, et peu après nous voici à l’étang de Vaux. Déjà ! Mais on est de taille à aller plus loin. Cependant les balles de mitrailleuses, parties de notre droite, nous rappellent à la réalité. L’ordre est exécuté : le deuxième objectif est tenu, organisons-le. Et vite, l’outil à la main, on creuse et l’on se fortifie. Si l’ennemi réagit, on sera en mesure de lui répondre. Encore des Boches qui viennent, des blessés, puis des équipes » sanitaires boches transportant nos propres blessés. Ah ! mais voici un officier, deux même, et tandis que le commandant les interroge, il y a là un noir qui, son couteau à la main, semble les guetter comme une proie et gesticule : « Moi couper caboche : a tiré sur mon adjudant... « Il faut toute l’autorité du commandant pour le renvoyer à son corps. Les prisonniers continuent à affluer, et ce sont des grenadiers, des soldats d’un