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corps d’élite : le monogramme de leurs pattes d’épaule et la patte du col l’indiquent. Peu à peu, la nuit tombe ; mais les tranchées s’approfondissent et, si l’ennemi vient, il saura à qui parler. Le silence s’établit. La brève file de nos derniers blessés s’allonge vers l’arrière. Allons ! la journée a été bonne, les pertes nulles pendant l’attaque ; on s’endort après une croûte cassée, espérant que le lendemain « ça collera aussi bien » et qu’on les « rejettera dans la plaine. »

On s’endort : qu’est le fameux Rêve de Detaille, avec ses faisceaux bien alignés et son bivouac de jardin public, auprès du sommeil de ces enfans dans la boue froide, sous le bombardement qui continue, après la victoire ?


A l’extrême droite du groupement Doreau, le « beau » 401e n’est pas en retard. De la gauche à la droite, le refrain est le même ; seul le ton change, plus grave ou plus aigu. « Enivrés de confiance par l’intensité de nos feux d’artillerie auxquels ripostait faiblement l’ennemi, les hommes piétinaient impatiemment, attendant l’heure décisive. — Onze heures quarante : « Quel sale temps ! » disaient les hommes voyant l’épais brouillard qui, à quinze mètres, leur voilait le terrain où ils devaient progresser. Ils ne comprirent qu’après, devant l’ahurissement des prisonniers, l’utilité de cet écran opaque qui avait masqué leur départ et leur avance. Au coup de sifflet du commandant, tous les hommes bondissent sur le parapet, se resserrent d’abord en grappes autour de leurs chefs de section pour se détendre ensuite en lignes d’escouades, en ordre, comme à la manœuvre, « Hardi, les gars ! » s’écrient les hommes en se serrant la main dans une étreinte hâtive et enthousiaste. A peine avait-on franchi de vingt mètres notre ancienne ligne que les bras éperdus des prisonniers s’agitaient, attestant déjà, avant la conquête matérielle, l’écrasante victoire morale du soldat français. »

Le régiment a franchi, lui aussi, le ravin du Bazil. Il doit atteindre le ravin de la Fausse-Côte à son extrémité, là où ce ravin rejoint l’étang de Vaux. De ce côté, c’est le fort de Vaux « semblable à un grand sphinx » au-dessus de ces eaux dormantes, qui exerce sa fascination. « Rien ne s’oppose à notre marche. Nous devons attendre que le 75 allonge. Nous repartons en obliquant à gauche. L’étang de Vaux apparaît, entouré