Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près de nous peut saluer, au milieu des panneaux blancs, de petits drapeaux aux couleurs françaises. »

L’avance n’est pas aussi aisée sur tout le front du régiment. La 11e compagnie a fort à faire pour franchir la tranchée Hindenburg et pour masquer l’ouvrage de la Sablière qui menace de flanc l’attaque. C’est un avant-goût de la résistance opiniâtre que la division de Lardemelle rencontrera dans toute la région de Fumin et du fort de Vaux. Le sphinx qui domine les plaines de la Woëvre voudra garder son secret. Le réduit de la Sablière est un repaire de mitrailleuses. L’aspirant Vasseur arrive le premier devant l’abri, devançant ses hommes. Un Allemand est là, baïonnette au canon, qui en défend l’entrée. — A nous deux ! crie Vasseur. — Déjà le Boche se précipite baïonnette basse, mais il s’affaisse, la tête mise en bouillie par une grenade qu’a lancée le soldat Keyser accourant au secours de son chef. Dans l’abri, les Allemands résistent à coups de fusil. Une ou deux sections du 230e arrivent à la rescousse. Les grenades de Keyser, lancées d’une main calme, tombent avec une implacable précision. Après chaque explosion, ce sont des cris et des râles dans la fumée, jusqu’à ce que les fusils se taisent et que les Boches sortent un par un, les bras en l’air.

Ces combats locaux ne retardent pas l’ensemble de l’opération. « On touchait à l’objectif, rapporte une note du régiment qui, à elle seule, fait tableau. Le spectacle fut splendide. En descendant dans le ravin de la Fausse-Côte, les hommes découvraient là-haut, à gauche, leurs camarades vainqueurs du fort de Douaumont. Electrisés par cette vue, ils ne firent plus qu’une course jusqu’au terme fixé à leur élan. Devant eux se détachait sur la cote 330, un grand nègre agitant un drapeau au bout de son fusil, pendant qu’un autre, debout sur la crête en arrière, sonnait la charge éperdument. »

Si le fort de Douaumont magnétise ainsi à distance les combattans dont les objectifs sont à sa droite et à sa gauche, quelle emprise ne doit-il pas exercer sur ceux qui sont chargés de l’aborder, l’attaquer, le reprendre ?...


III. — LE FORT DE DOUAUMONT

Douaumont : de sa hauteur que Souville seul égale, il domine les deux rives du fleuve ; il a des vues au loin sur les vallons et