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furent dominées l’une après l’autre. Une section de nos mitrailleuses prit sous son feu, à 1 500 mètres, des attelages allemands sur lesquels tirait aussi notre artillerie.

« ... Le bombardement se mit de la partie. Mais, indifférens aux gros obus, tout à leur œuvre qu’ils sentaient grande, les marsouins, ne perdant rien de leur activité ni de leur sang-froid, submergèrent le fort, joyeux de plumer l’aigle d’Allemagne... »

Le commandant Nicolaÿ a rédigé un rapport officiel qui relate sans commentaires la prise du fort et les opérations du bataillon : mais il a voulu exprimer ce qu’il avait éprouvé au cours de cette journée mémorable. Son style grandiose se ressent de la poésie de ces pays d’Orient où il a vécu. Il s’harmonise avec sa personne dont il prend naturellement la majesté.

Le grand fort est, d’apparence, un fouillis dont il est difficile de reconnaître le tour et les ouvrages. Le fossé est à demi comblé : l’escarpe a coulé dedans. La superstructure est défoncée. Les gros calibres l’ont pour ainsi dire coupée en deux, mettant à découvert les entrées des galeries des bâtimens. Les abris des tourelles de 75 et de 155 ont résisté ; ceux des tourelles des mitrailleuses sont assez détériorés. Les deux coffres simples et le coffre double de la contrescarpe peuvent encore abriter des mitrailleuses qui opposeront de la résistance, mais leurs communications sont coupées. Quant aux sous-sols, lorsque l’on y pénétrera, sauf ceux des casemates effondrées, on les trouvera à peu près intacts.

La superstructure et les ouvrages extérieurs sont donc à nous. Le chef de bataillon se rend au rez-de-chaussée pour organiser l’attaque des logemens. Il confie cette mission difficile au capitaine Perroud qui commande la compagnie 19/2 du Génie, en lui adjoignant une demi-section de marsouins. Le maître-ouvrier Paul Dumont, et le sapeur-mineur Jean Ygon, de cette compagnie du génie, marchant les premiers, s’empareront de nombreux prisonniers et d’un important matériel. Il était cinq heures du soir, et déjà la nuit tombait : avant qu’elle ne fût venue tout à fait, il importait de fixer les consignes pour la garde du fort. « Le chef de bataillon remonta alors sur le cavalier où la lutte avait cessé vers dix-neuf heures, il revint au rez-de-chaussée où il apprit que tout allait bien et que les premières résistances rencontrées, en particulier une contre-attaque à la