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dans sa vingt-cinquième année, laissant dix fils et filles...

— Je souhaite, sans y compter, que les Françaises imitent cet héroïsme. Dix enfans, cela vaut dix campagnes !

Nous arrivâmes enfin à Salonique, sans accroc, à une heure un quart. Mes invités m’attendaient. On me témoigna la plus grande indulgence, et je pus me rendre présentable. Quant à la conférence, je décidai de supprimer les notes et de parler comme je l’aurais fait dans un salon. La chance m’était favorable, ce jour-là : je trouvai à l’Hôpital toute la colonie française de Salonique réunie autour du général Sarrail et de l’amiral Moreau. Les blessés convalescens, leurs infirmières et leurs médecins étaient en bonne place. Après la causerie, les dames infirmières nous offrirent un goûter délicieux sur la terrasse du bâtiment préservée du grand soleil par des toiles tendues.

Ces dames sont Françaises ou mariées à des sujets français. Elles ont installé, dans l’hôpital civil de la rue Franque, des salles pour les blessés et malades militaires qu’elles soignent avec beaucoup de dévouement, mais l’exiguïté du local disponible limite forcément le nombre des admissions. J’ai vu, dans une des chambres, quelques « rescapés » de la Provence qui étaient l’objet d’une sollicitude toute particulière, car le choc nerveux, éprouvé lors du torpillage, les avait laissés dans un état de dépression et d’anxiété plus pénible que la maladie même.

L’hôpital est sous la direction des sœurs de Saint-Vincent de Paul qui ont créé à Salonique tant d’œuvres excellentes, écoles, dispensaires, ouvroirs, etc. Leur cornette blanche, qui porte un peu de la France sur ses ailes de batiste fine, est saluée avec respect et reconnaissance dans tout l’Orient.

Je leur ai promis d’aller visiter leur école et leur orphelinat de Kalamari, où j’aurai le plaisir de retrouver quelques religieuses de l’Hôpital français de Constantinople que j’ai connues en 1909. Les Turcs ne les ont pas molestées, mais l’état de guerre les a contraintes à quitter leur maison et elles ont dû partir, laissant bien des amitiés fidèles et des regrets, jusque parmi les musulmans.


Le même jour, les Dames Ecossaises offraient un beau concert à leurs malades et à leurs blessés. J’y allai, vers six heures, et j’y retrouvai la plupart de mes auditeurs.