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L’hôpital est situé aux Campagnes, sur un vaste terrain encore mal déblayé et tout près de l’hôpital temporaire n° 4. L’emplacement de ces deux hôpitaux n’est pas des plus favorables, mais le Service de Santé, gêné sans cesse par les chicanes des Grecs, n’a pas eu la liberté du choix. Du moins a-t-on fait l’impossible pour remédier aux inconvéniens qu’entraine l’humidité du sol, trop bas, imprégné d’eau, menacé par la mer. Le personnel infirmier de l’hôpital 0e4, sous la direction du médecin-chef D... a creusé des canaux d’écoulement et drainé les eaux dangereuses. Déjà, les fleurs et les légumes prospèrent dans les jardinets, autour des baraquemens. Une petite jetée forme rempart contre les vagues. L’hôpital des Ecossaises est plus voisin du boulevard. On aperçoit, en arrivant, ses tentes aux pans retroussés, et les robes bleues des nurses qui s’empressent autour des lits, car, bon gré, mal gré, tout le monde ici doit vivre au grand air, qu’il pleuve ou qu’il vente. C’est tout juste si les nurses consentent à s’enfermer dans leur cellule de toile, pour la toilette ou pour le sommeil. Sur les bords de l’allée qui sépare les deux hôpitaux, une foule se presse, claire et gaie, nurses en bleu, à galons blancs, infirmières françaises au voile léger, au manteau de laine couleur d’ivoire, officiers, civils, convalescens en pyjamas rayés, dames saloniciennes. Le soleil attiédi baigne d’un fluide doré les tentes et les baraques, les robes claires et les uniformes. Un hydravion bourdonne, très haut. Le vent qui se lève, chaque soir, à cette heure, crispe et rebrousse l’eau verdâtre, moirée d’or par le reflet du ciel. Au loin, Salonique dresse ses cyprès et ses minarets, cierges noirs, cierges blancs, éteints dans une poussière rousse.

Malgré la fête, je désire visiter cet hôpital des Ecossaises, qui est une des curiosités de Salonique. Nous avons eu à Paris, vers 1900, un journal qui n’était pas moins intéressant que beaucoup d’autres, et qui était dirigé, administré, rédigé, composé, imprimé exclusivement par des femmes. L’hôpital des Écossaises est, comme la Fronde, une manifestation féministe.

Il est dirigé par une vaillante femme, Mrs Harley [1], sœur

  1. Mrs Harley a terminé sa vie, toute d’héroïsme et de charité, par une mort glorieuse. Elle a été tuée, récemment, à Monastir, par un éclat d’obus pendant qu’elle se rendait à l’ambulance qu’elle n’avait jamais cessé de diriger, sous le feu de l’ennemi. Citée à l’ordre du jour, elle représente, pour tous ceux qui l’ont connue, un admirable exemple des plus belles vertus féminines unies au courage du soldat.