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soldat, elle ne s’est pas faite soldat. L’héroïne est demeurée une jeune fille, tandis que miss Flora Sanders est devenue un militaire : elle va être promue sous-lieutenant.

Le descendant de Chrysale rend hommage à la bravoure de la « sergente, » mais dans son admiration il y a une sorte de peur... Son vieil instinct latin proteste quand une femme, ne se contentant plus de distinguer un pourpoint d’avec un haut-de-chausse, s’avise de le porter, ce haut-de-chausse !...


Un roulement de tambours, un bourdonnement de cornemuses. Ecoutez !... Un orage vibre, éveillant de sourds échos de montagne, tandis que s’effarent mille essaims d’abeilles, parmi la bruyère en fleur puissance évocatrice de la musique ! Le paysage oriental s’évanouit. Une douce brume, irisée d’arc-en-ciel, un ruissellement d’eaux vives, un sanglot de cascades, toute la poésie du Nord enchante notre imagination, comme une ballade de Robert Burns. Les musiciens écossais s’avancent, en double file, précédés par les tambours. Au centre, le tambour-major jongle avec ses baguettes, frappe l’énorme caisse enrubannée. Tous ces Calédoniens aux figures rouges, rudes, naïves, qu’enflamme un rayon déclinant, ont la jupe de tartan vert et bleu, sous la veste et le tablier khaki. Leurs bas verts et bleus découvrent leurs jambes musculeuses. Verts et bleus sont les rubans et les enveloppes des cornemuses ; vert et bleu, le bonnet des musiciens. Et par contraste, dans tout ce vert et ce bleu, le rouge des faces, aux joues gonflées, s’avive.

Ils viennent vers nous, dans le tonnerre des tambours. Leur cortège bariolé se divise, tourne en sens contraire, forme le carré, puis s’arrête. Je ne vois plus que les des larges des musiciens, le geste des tambours qui soulèvent leurs baguettes en les réunissant, pour marquer les pauses, et toujours la gymnastique effrénée du géant à la grosse caisse. Chants étranges, où se mêle une sorte d’ivresse forcenée avec « ne tristesse déchirante ! Musique guerrière qui me parait plus primitive encore et cent fois plus sauvage que la frêle chanson Crétoise du matin ! En quelques heures, j’aurai donc, par une singulière fortune, entendu ces deux voix qui racontent l’âme de deux races. Petite lyre de Crète, flûte plaintive, souple chaîne des danseurs, le plaisir que vous m’avez donné fut clair comme un verre d’eau