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des gorges de tourterelles, se fondent on harmonies suaves pour l’enchantement de nos yeux. Mais nos yeux ravis de douceur s’en détournent, et nous recevons, comme un choc sonore, le fracas splendide du couchant. Tout le côté occidental de la baie a pris feu. Des nuages démesurés flambent et roulent de lourdes volutes laineuses frangées de gris, qui découvrent en se consumant d’extraordinaires profondeurs dorées. Là, le ciel écrase la terre et la mer, sous cette fournaise prodigieuse où glisse, écorné par des flocons brûlans et sombres, l’orbe pourpre, l’insoutenable face du soleil. Le blanc devient or et l’or devient cuivre ; le cuivre coule en lacs de sang. Le disque énorme descend toujours elles eaux doublent son image brisée par le clapotis qui mêle à des reflets ardens de longues lignes ondulées d’un bleu verdâtre...


II


Mai.

Les Français qui voyagent en Orient pour la première fois éprouvent quelque surprise en entendant parler leur langue par des gens de toutes les classes et de toutes les nationalités. Au Pirée comme à Smyrne, à Constantinople comme au Caire ou à Beyrouth, les bateliers et les porteurs baragouinent en français leurs offres de service ; les enseignes des magasins sont en grec et en français ou bien en turc et en français ; des journaux sont publiés en français, et c’est en français que nos éternels ennemis calomnient la France.

Ni l’italien, qui fait de sérieux progrès dans la Méditerranée orientale, ni l’allemand qui rebute les Orientaux, malgré l’effort de la propagande germanique et l’appui officiel du gouvernement turc, n’ont pu ruiner la primauté séculaire du français. Cependant, le double assaut est dur. Il ne faut pas que le français se contente de maintenir son rang et ses droits. Qui ne progresse pas commence à déchoir. Si nous ne faisons pas bonne garde, si nous n’aidons pas les œuvres et les hommes qui sont les sentinelles avancées de notre génie national en Orient, nous perdrons du terrain qu’il sera malaisé de reconquérir.

Salonique est vraiment la Babel nouvelle. Les armées alliées n’y ont pas amené moins de dix-sept peuples, en comptant les sujets anglais des Dominions et les indigènes de nos colonies !...