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Mais, bien avant la guerre, la diversité des langues était déjà fort remarquable dans la métropole de la Macédoine. Il y avait le turc, langue officielle ; le grec, parlé par une partie seulemont de la population ; le judéo-espagnol, dialecte employé par les israélites, c’est-à-dire par les trois quarts des Saloniciens. Bien entendu, toutes les variétés du serbe, du bulgare et du roumain, sans oublier le langage tzigane, résonnaient dans les faubourgs. Et, parmi l’élite de la société juive, on parlait beaucoup l’italien.

Aujourd’hui, le turc est presque aboli ; le judéo-espagnol passe au rang de seconde langue, restreinte à l’intimité des familles ; l’italien est délaissé ; le grec s’impose, par droit de conquête, mais le français a gagné une place éminente qui paraît trop éminente aux yeux de certains Hellènes et que nous devrons défendra par tous les moyens pratiques et même diplomatiques.

Défendre le français, c’est défendre les écoles où on l’enseigne et les maîtres qui l’enseignent.

Il y a trois sortes d’écoles françaises, à Salonique, correspondant aux besoins de trois clientèles bien déterminées, qui ne se mélangent guère : ce sont les écoles congréganistes, celles de la Mission laïque, et enfin les écoles de l’Alliance Israélite universelle. Toutes donnent l’enseignement en français, avec des livres scolaires français et des maîtres formés en France.


J’ai visité et admiré ces écoles. C’est un devoir pour nous de connaître, quand nous le pouvons, et de faire connaître à nos compatriotes l’œuvre magnifique accomplie, en Orient, par les missionnaires français, laïques ou religieux. Tous, en effet, sont des missionnaires de la pensée française. Ils l’interprètent sous des formes différentes, avec la même sincérité et le même dévouement. Ici, bien des idées qui semblaient inconciliables ou irréconciliables s’accordent pour la lutte commune, sous le même drapeau. Les passions politiques doivent abdiquer et faire place au sentiment plus élevé de l’intérêt collectif. D’ailleurs, cette « union sacrée » est absolument nécessaire, et l’œuvre qui croirait subsister en conservant telles routines, telles méfiances, et cet esprit mesquin qui engendre les querelles tracassières de chapelle à chapelle et de parti à parti, cette œuvre ne serait pas viable.