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les œuvres de ce grand saint et le clair parler de France.

Qui a pu causer avec le visiteur provincial des Lazaristes, dans le petit parloir de son couvent, n’oublie pas l’agrément de cet entretien, plein de leçons discrètes et nuancées qui invitent à la modestie. La gravité du Père Laubry, sa bienveillance affable n’excluent pas une malice légère qui fuse parfois dans le vif regard des yeux, dans le sourire spirituel sous la rude moustache grisonnante, dans un mot qui pique sans jamais blesser. Tel et tel brouillon, qui croit résoudre, avec des phrases, les problèmes politiques, ethniques et religieux les plus compliqués, gagnerait beaucoup à écouter le Père Laubry, qui connaît merveilleusement les choses et les âmes d’Orient, — les choses presque immuables, les âmes infiniment diverses et changeantes. — Il sortirait de cet entretien ravi et un peu inquiet, avec le ferme propos d’être prudent vis-à-vis des autres et de soi-même.

Le Père Laubry affirme l’excellence de l’enseignement comme mode de propagande. Que de choses, dit-il, que d’idées françaises ont passé en Orient, par le moyen de notre langue, féconde semeuse de pensées ! Pour lui ouvrir un vaste champ d’action, le collège ne suffit pas. Il faut atteindre toute la jeunesse, de toutes classes et en particulier des classes populaires. C’est pourquoi les Lazaristes ont appelé, comme adjoints et collaborateurs, à Constantinople d’abord, puis dans les Echelles du Levant, les Frères de la Doctrine chrétienne.

Ceux-ci tiennent actuellement l’école paroissiale de Salonique et le collège où ils donnent l’enseignement primaire supérieur, avec une large place pour les études commerciales et les langues vivantes. Ils ont même un cours complémentaire de commerce, avec des notions de change, d’arbitrage, de mathématiques financières, de sténo-dactylographie, etc. Ils emploient des ouvrages scolaires choisis sur la liste autorisée par le ministère de l’lnstruction publique de France.

— Nous nous sommes préoccupés aussi de l’instruction des filles, m’a dit le Père Laubry, et si vous avez séjourné quelque peu de temps en Turquie, vous pouvez mesurer l’importance et les difficultés de la tâche que nous nous proposâmes. Elle était urgente, car la femme fait la famille, même la famille orientale, et son influence est certaine, fût-ce une influence négative. La femme éduquée prépare l’éducation de l’enfant.