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Elle lui enseigne, avant l’école, la langue qu’elle a apprise, et la langue est le véhicule des idées.

Mais comment triompher des préjugés millénaires qui vouent la femme orientale, même chrétienne, à l’ignorance et à la demi-réclusion du gynécée ?

Ce fut l’œuvre des Filles de Saint-Vincent de Paul. Elles vinrent à Constantinople, Smyrne et Beyrouth en 1839 et à Salonique en 1855. Leurs patiens efforts portèrent les plus beaux fruits, surtout après la guerre de Crimée. Les Turcs, qui avaient admiré le dévouement de ces religieuses dans les ambulances, leur concédèrent de grands terrains pour s’y établir. Ecoles populaires, ouvroirs professionnels, dispensaires, orphelinats, hôpitaux se multiplièrent.

— A l’heure présente, me dit le Père, nous avons une église paroissiale, une chapelle annexe à Calamari et une autre à Cavalla. L’école paroissiale instruit gratuitement 75 enfans et il y a 375 élèves au collège des Frères. Nous avons encore à Zeitenlik un établissement d’instruction secondaire qui prépare de futurs prêtres et de futurs instituteurs pour toute la Macédoine ; mais cet établissement, ainsi que les jardins et terrains qui en dépendent, appartient actuellement à l’armée française ; nous nous honorons d’avoir pu les lui offrir, dès son débarquement. Le service de santé y a installé deux hôpitaux temporaires où sont soignés près de quatre mille soldats. Je ne vous énumérerai pas, en détail, les œuvres, similaires aux nôtres, que dirigent les Filles de la Charité. Je vous laisse le plaisir de les connaître par vous-même. Allez donc, pour commencer, à la petite école de Calamari. Je suis certain qu’elle vous intéressera...


Un petit couvent modeste, au bord de la mer, là-bas, dans un extrême faubourg que les camions emplissent de poussière et qui résonne du timbre agaçant des tramways... Passé la grille, après quelques pas sous les arbres d’un jardin, c’est le silence et la quiétude, l’atmosphère assoupie des maisons religieuses où la vie, réglée en tous ses détails, se déroule sans heurts, comme un chapelet. Les voix enfantines qui jasent quelquefois avec des pépiemens d’oiseaux, ne troublent pas cette grande paix. Des cornettes blanches palpitent derrière les croisées des classes. Dans le parloir si calme, lavé, luisant, un peu sombre à cause