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des persiennes mi-jointes, je me repose un moment, et j’oublie le ciel torride qui verse sa lumière embrasée sur Salonique.

Ici, j’ai la sensation attendrissante de la France, de la bonne province française, et des souvenirs de ma petite enfance me reviennent dans ce clair-obscur, dans cette douceur conventuelle. Si j’ai rêvé, autrefois, aux dieux homériques, sous les branches du figuier qui me jetaient leurs ombres mobiles et leurs fruits lourds de sucre rose et de miel, c’est dans un pauvre petit couvent, pareil à celui-ci, que les cantiques et les prières du mois de mai m’ont révélé la plus tendre, la plus suave poésie chrétienne. Peut-être mon âme s’est-elle formée sous cette double influence, et suis-je destinée à m’émouvoir toujours pour des beautés contraires, en apparence ennemies... Mais je n’ai pas le loisir de goûter ces réminiscences. La supérieure qui vient d’entrer et qui me présente ses religieuses, entend bien me montrer toute la maison.

L’école de Calamari comprend un orphelinat et une école payante qui permet d’entretenir l’orphelinat. Les Sœurs, au nombre de huit, ne suffiraient pas à la tâche, bien que le nombre des élèves payantes ait diminué depuis un an, depuis que des familles inquiètes ont abandonné Salonique, par peur des Bulgares. Il a fallu prendre quelques adjointes laïques. Cela était d’autant plus nécessaire que plusieurs religieuses ont été détachées à Zeitenlik, pour l’hôpital et la lingerie.

Le recrutement des élèves est très divers. Toutes ne sont pas catholiques. On trouve bon nombre de petites filles israélites, musulmanes, et même des orthodoxes serbes ou bulgares...

Les religieuses les instruisent avec le même soin et la même affection, mais ou devine quelles difficultés compliquent le métier d’institutrice, quand les élèves présentent une si étrange diversité de race et de tempérament.

Nous faisons un arrêt dans chacune des classes. Les petites filles me reconnaissent bien, puisque la plupart d’entre elles assistaient à la représentation cinématographique où j’ai parlé « des enfans en France pendant la guerre. » Elles me sourient sans perdre cette gravité qui rend les enfans orientaux si différens de nos turbulens écoliers. Parmi elles, il y a quelques petites deunmehs, des réfugiées serbes, des fillettes grecques déjà grandes, venues pour compléter leur instruction française et prendre la bonne prononciation. Il y a même deux ou trois