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Bulgares, pensionnaires d’avant la guerre, qui n’ont plus aucune relation avec leur pays et leur famille. Les Sœurs ont pensé que la religion et le vrai sentiment français, tout de justice et den générosité envers la faiblesse innocente, les obligeaient à garder ces pauvres enfans. Quelle Française pourrait désapprouver cette conduite qui, évidemment, ne s’inspire pas des méthodes allemandes ?

D’ailleurs, toutes les petites filles, en dépit de leurs origines, chantent des hymnes patriotiques à la gloire de la France, sous la direction d’une Sœur qui bat la mesure et chante aussi, de tout son cœur. C’est un spectacle qui touche et qui fait sourire ! Ces petites balkaniques dont les parens se sont entr’égorgés depuis des siècles, fraternisent par la vertu de l’éducation commune et, chacune avec l’accent de sa race, proclament leur amour pour la France…

Il en restera toujours quelque chose !

Je crois que si les Sœurs aiment toutes leurs élèves, elles ont une tendresse plus profonde pour les pupilles de leur petit orphelinat. Celles-là composent véritablement leur famille.

Enfans abandonnées, cueillies au coin des rues, apportées par des voisins après la mort ou la disparition des parens, elles sont d’abord nourries à la crèche de Zuitenlik. Quand elles ont trois ans, elles viennent à Calamari et elles y restent jusqu’à ce qu’elles soient en âge et en état de gagner leur vie. Quelques-unes y demeurent indéfiniment…

— Voyez-vous, dit la religieuse, toutes ne sont pas capables de vivre heureusement et sagement dans n’importe quel milieu. Certaines sont infirmes de corps et d’autres ont le caractère faible ou ardent. Il leur faut une protection constante, une sollicitude affectueuse autour d’elles… Ce ne sont pas des Occidentales, filles de nations anciennes, policées, assagies. Ici, la nature primitive se révèle dans toute sa force. Le sang est vif et l’humeur farouche… Ces pauvrettes ne souffrent pas de leur situation, pendant l’enfance, mais il en est qui, vers quinze ans, tombent dans une grande mélancolie, quand elles comprennent leur solitude. Nous les guérissons de leur tristesse par nos soins, par la prière, par le travail. Nos enfans apprennent toutes un métier, couture, broderie, repassage. Et celles qui, plus tard, se marient, reviennent à nous comme à leurs parens.

Les Filles de la Charité ont encore d’autres écoles, dans les