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L’ACTUALITÉ DE VICTOR HUGO

Cette quinzaine a ramené le trente-deuxième anniversaire de la mort de Victor Hugo. Un anniversaire, quand il s’agit des morts, c’est toujours un rappel de souvenirs, un essai de résistance à l’oubli, une volonté de rendre à nouveau vivante par un muet dialogue une chère voix qui s’est tue. Si le mort est un poète, la vraie manière de rajeunir et de glorifier sa mémoire, c’est moins de déposer sur sa tombe des fleurs et des vers que de relire ses œuvres. Et il arrive, quand ce poète est parmi les plus grands, que les événemens collaborent avec lui pour entretenir son culte. Ainsi en est-il pour Victor Hugo. C’est une épreuve singulièrement instructive que de reprendre en mains son œuvre immense et de la relire à la clarté du formidable conflit qui, depuis bientôt trois ans, bouleverse le monde. On est frappé de voir à quel point cette œuvre redevient actuelle. Certains poètes, qui naguère enchantaient nos loisirs, nous apparaissent comme lointains, et nous trouvent moins sensibles à leur prestige ou à leurs grâces coutumières. Lui, il est tout près de nous. Le son que rendent ses poèmes s’harmonise à nos présens besoins d’âme. S’il a eu ce mérite d’être pour son siècle un c écho sonore » et d’en exprimer tour à tour toutes les voix, il semble qu’il ait conservé par delà le tombeau ce glorieux privilège. Ne l’applaudit-on pas aujourd’hui aux Matinées nationales, comme, en 1870, on l’applaudissait à l’Opéra et à la Comédie-Française ? Il eût été le poète de cette guerre et cette guerre se souvient du poète qu’il a été.

D’autres avant lui ont aimé et célébré la France, depuis l’auteur de cette Chanson de Roland, où figure pour la première fois, remarque Gaston Paris, « cette divine expression, la douce