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de l’ordre humanitaire n’interviendront-elles pas pour adoucir le sort des petits peuples du Nord, encore que, pour parler franc, l’attitude générale de ceux-ci, leur âpreté au gain, les fâcheuses manifestations de la terreur que leur inspire l’ogre allemand aient quelque peu atténué peut-être, dans l’esprit des belligérans anciens et nouveaux, les sympathies qui vont toujours aux faibles ?

Mais ce que je tiens à rappeler ici, parce qu’on l’oublie trop souvent chez les Alliés d’Occident, c’est que, pour être décidément privée des exportations hollandaises et scandinaves, l’Allemagne ne serait cependant pas complètement à bout de ressources, parce qu’elle a pris, en temps utile, ses précautions pour faire produire les territoires qu’elle a conquis par ses propres armes et dont elle s’attribuera les récoltes en même temps que les matières premières extraites du sol. La Courlande, une partie de la Lithuanie, la Pologne, la Belgique, une petite portion de la France du Nord sont dans ce cas ; et ce sont des terres fertiles qui, cultivées intensivement, auront, en dépit de tant de circonstances défavorables, un bon rendement.

Quant aux contrées conquises par les forces mises en commun des coalisés du centre, la Valachie, la Serbie, la Macédoine orientale, on en partagera les produits au prorata des besoins constatés et nul doute que l’Empire qui détient l’hégémonie ne se fasse une part avantageuse, sinon celle du lion [1].

Enfin il y a la Turquie, la Turquie d’Asie surtout, où depuis longtemps on signale la mise en jeu d’une foule d’ingénieurs agronomes allemands qu’ont suivis quantité de machines agricoles. Il existe une difficulté, celle des transports. Le gouvernement de Berlin, tout-puissant dans l’Empire ottoman, s’efforce avec quelque succès de vaincre ces obstacles. Il semble que ses camions automobiles passent partout et que la traversée du Taurus par le rail allemand soit désormais un fait acquis.

Toujours est-il qu’il ne faut pas espérer que la soudure ne se puisse faire en Allemagne, cette année, et que, pour ne se point trop flatter, il n’y faut compter qu’avec réserve pour 1918.

  1. Je signale à ce sujet aux lecteurs de la Revue l’article très documenté qui a paru, le 21 mai, dans l’Information sous la signature de M. André Chéradame « Les profits de guerre de l’Allemagne ». Lire particulièrement le paragraphe relatif à la « capture des vivres » et à la mise en valeur, au profit exclusif des Allemands, des 500 000 kilomètres carrés conquis depuis le début de la guerre.