Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/692

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au cœur même de chacun des partis en lutte, — et, par suite, en lutte moins forcenée, — que Filon nous invite à observer le dosage heureux des deux forces. Les exemples qu’il emprunte à la littérature, aux arts, à la vie politique, sociale et quotidienne, montrent dans l’âme anglaise l’élan vers l’avenir et le respect du passé bien réunis et mieux qu’ailleurs. Il a choisi M. Balfour comme le type de « l’homme d’Etat-gentleman » et insiste sur le fait que ce modéré n’est pas un timide. Il a choisi M. Lloyd George, — « un nom nouveau, dit-il en 1910, et à retenir, car, dans dix ans, tout le monde le connaîtra, » — comme le personnage de la démocratie, il ajoute, de la démocratie puritaine. Puritanisme et démocratie en bonne intelligence dans une très solide et noble tête anglaise, précieuse garantie d’une allure sage vers le progrès, si renommé de nos jours, et sans pour cela rompre avec les anciens jours trop soudainement !

Filon, qui connaissait le peuple d’Angleterre à merveille, lui eût confié le soin de résoudre les plus difficiles problèmes. Vous ne savez que faire des Lords, de la pairie héréditaire ; vous n’avez point envie de conserver leur Chambre et de conserver ainsi la chamaillerie qu’elle entretient avec les Communes ; vous n’osez pas la supprimer ? Consultez le peuple ! Décidez qu’à l’avenir les conflits entre les deux Chambres seront tranchés par voie de référendum : « Un vote populaire, par oui ou par non, n’occuperait qu’une seule journée et terminerait la crise d’une façon honorable pour tous les amours-propres et laisserait toutes choses en l’état, sans mettre en jeu le prestige royal, sans rien détruire des institutions léguées par la sagesse ancestrale. » On retrouve ici trace des opinions plébiscitaires qu’un partisan du régime impérial considère comme le droit et le salut. Mais il ne s’agit point de politique, au sens malheureux qu’on donne à ce mot. Toujours est-il que le partisan du référendum ou du plébiscite croit au peuple. Filon croit-il au peuple ? Sans aucun doute. Or, lisons ces lignes de lui : « Je l’écris avec une infinie tristesse, obligé que je suis d’accepter un fait qui, hélas ! n’est pas nouveau dans l’histoire : un relâchement dans les mœurs accompagne toujours les revendications de la liberté de penser. » Il ajoute : « Ce n’est pas une conséquence, c’est une coïncidence ; mais cette coïncidence est fatale... » Avec une infinie tristesse ? Il a écrit : « La science, que nous avons l’habitude et le devoir de respecter... » Il a écrit : « » Le plus