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encore sous le second Empire ! « Prenez garde : les homme d’esprit servaient à quelque chose. Il y a de soties idées qui aujourd’hui font leur chemin de la façon la plus dangereuse et qu’une douzaine de railleurs, jadis, auraient arrêtées promptement, blessées, tuées : « on n’est pas tranquille à la pensée de ce qui arrivera lorsqu’il n’y aura plus personne pour se moquer du monde. » Respect à la maréchaussée indispensable des railleurs !


Voilà quelques-uns des principes littéraires de Filon. Ses nouvelles surtout sont charmantes. Et elles ne sont pas d’un imitateur de Mérimée ; ni, je l’avoue, d’un autre Mérimée ; du moins avait-il emprunté à ce grand écrivain, qu’il a connu, — qu’il entendit, un soir, à Saint-Cloud, lire Lokis devant l’impératrice, — l’art du récit rapide, bien en faits et qui met dans la vive réalité sa signification. Les nouvelles d’Amours anglais et de Vacances d’artiste peignent, en anecdotes, les mœurs d’Angleterre et de France. On y rencontre beaucoup de braves gens, et d’autres. Ne craignez pas les braves gens de Filon : car les braves gens qu’on a su voir avec esprit sont plus amusans que les coquins. Le coquin n’est pas compliqué : l’honnête homme l’est bien davantage ; et c’est chez lui que vous ferez les découvertes les plus dignes de vous étonner, de vous divertir et, s’il vous plaît, de vous choquer, mais agréablement. Les décentes nouvelles de Filon, souvent, sont des merveilles d’ironie. « Je suis d’une génération à qui la vie s’est montrée peu clémente et qui en a gardé quelque amertume, » dit-il un jour aux mânes de Topffer. Et il s’accuse de manquer de bonhomie. Il a de la bonté. Il se moque et il pardonne. Il taquine ses personnages, mais il a pitié d’eux : et une Violette Mérian, petite institutrice à qui sans doute il fait endurer toutes les misères d’une existence malheureuse et dérisoire, il la récompense au bout du compte ; elle sera duchesse, par un mariage d’amour et, confessons-le, improbable. Ce dénouement, c’est de l’optimisme ? Et l’auteur a voulu séduire nos bonnes volontés, en nous présentant la vertu récompensée ? L’auteur sourit, avec un peu plus de tristesse que de crédulité. Il vous invite à consentir que la vertu n’est pas toujours punie : les hasards n’ont pas tant de méthode.

Sauver à tout prix le réalisme, c’est constater que le réalisme ne va pas bien, c’est aussi faire profession de réaliste. Et Filon cherche la réalité, il la trouve. Il est réaliste dans ses