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romans d’histoire, L’Elève de Garrick et Renégat, tous deux empruntés à l’histoire d’Angleterre et composés avec le plus méticuleux souci de l’exactitude, — « miettes d’histoire que j’ai rapprochées à la manière des anciens mosaïstes ; » — et le second. Renégat, est un épisode du temps de Marie Stuart : il a écrit une vie de la reine d’Ecosse, où le détail des événemens est discuté sans paresse, et le roman contient la même vérité. Il est réaliste, à sa manière la meilleure, dans ses Contes du Centenaire, qui sont peut-être son chef-d’œuvre : lisez Sylvanie. Ces contes, qu’il a publiés en 1889, commémoraient le centenaire des temps qu’on appelle nouveaux. Il les a dédiés à un grand-père qu’il n’a point connu, né à la veille de la guerre de Sept ans, déjà un homme lorsque M. Linguet sortit de la Bastille, et horloger dans la rue Saint-Denis, confrère ainsi de M. Caron de Beaumarchais : seulement, M. Caron de Beaumarchais fit des pièces de théâtre, non des pièces d’horlogerie.

Claude-François Filon, le grand-père, épousa une fille noble : à cette union, le petit-fils doit « d’aimer passionnément les deux Frances, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, d’évoquer le bon vieux temps avec autant de piété qu’il apporte de sincère ardeur à jouir du présent. » Mais, dans la maison de Claude-François Filon, l’ancien régime et le nouveau ne firent pas très bon ménage : « il en a été de même dans le pays tout entier. » L’on aperçoit les dispositions du conteur : il n’est point, au sens injurieux qu’on donne à ce mot, un réactionnaire ; et il n’est pas de ces tenans de l’improvisation qui se flattent de croire que la France naquit la nuit du 4 août peut-être ou bien, trois ans plus tard, le 10 août. Dans un petit ouvrage qu’il a destiné à la bibliothèque des écoles et des familles : Nos grands-pères, il parle aux enfans : « Surtout, vous qui êtes la France nouvelle, ne laissez jamais calomnier devant vous la vieille France, car elle est votre mère ! » Ce sentiment de la continuité, il l’ajoute au poétique et tendre sentiment du passé. Et c’est la grâce de ces contes, où l’anecdote et le décor, la fantaisie et la pensée forment une harmonie parfaite et ont tant de vérité attrayante et persuasive.

Du réalisme ? Ces deux romans, Babel et Sous la tyrannie, sont bien des romans réalistes, si l’on entend par là, non pas une gageure de trivialité assommante, mais un intelligent essai de peinture exacte. Babel, c’est, dans Londres et aux alentours,