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accueilli par des acclamations si intenses, qu’on a dû le rejouer tout entier. Et, en vérité, ce ne sont plus seulement les musiciens et les connaisseurs, mais l’unanimité des auditeurs remplissant la salle, qui se sont montrés pleins de chaleur dans l’expression de leur plaisir et de leur enthousiasme. »

Rien, ou presque rien de ces grandes œuvres ne nous est parvenu. Mais par bonheur, perdues en tant que symphonies, quelques-unes, au moins une demi-douzaine, se sont conservées sous la forme encore admirable, bien que réduite, et trahissant, à n’en pas douter, leur origine première, de sonates pour le piano.

Le triomphe de Clementi en 1796 fut son dernier triomphe de symphoniste, et même de musicien. Il consacra les six années suivantes à l’amélioration, toute mécanique cette fois, du piano. Puis il se fatigua de ce travail, comme de tout le reste, avec l’étrange inquiétude d’âme et l’espèce de perpétuel inassouvissement « que son biographe signale en lui. Rêveur errant, il parcourut l’Europe, sans jamais plus consentir à se faire entendre, même de ses amis. C’est à peine si parfois le désir lui venait de s’écouter lui-même. Et dans quelles conditions de solitude et de mystère ! Il louait un appartement à l’hôtel et s’installait avec son piano dans la pièce centrale, après avoir pris le soin d’en faire recouvrir les murailles et le plancher de tentures et de tapis épais.

De passage à Berlin, en 1801, il s’y marie, à cinquante-deux ans. Mariage d’amour, malgré son âge, mais de peu de durée. L’année d’après, la mort de sa femme, comme naguère la perte de sa fiancée, le plonge dans un désespoir qui de nouveau l’arrache à la musique ; à la sienne du moins, car l’étude des quatuors de Mozart le jette alors en de véritables crises d’enthousiasme et de larmes, et certaines de ses lettres, trop rares, témoignent de son admiration pour le génie de Beethoven.

En 1811, il revient à sa patrie adoptive, l’Angleterre, qu’il ne quittera plus. Amoureux pour la troisième fois, il se marie, pour la seconde et dernière, avec la fille d’un pasteur. De 1815 à 1825, il publie les deux premiers volumes du Gradus ad Parnassum ainsi que des sonates de piano. Enfin, avant de composer le troisième volume du Gradus, il fait exécuter par l’orchestre de la Philharmonique une série de douze grandes symphonies nouvelles, et si nouvelles, que le public et la critique les accueillent avec plus de surprise encore que d’admiration.

Les dernières années de l’artiste allaient s’écouler doucement, dans