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divers l’élaboration constante et. approfondie d’un thème unique, alors, et pendant cinq ou six mois de l’année 1786, toutes les compositions de Mozart porteront la trace et comme le sceau du nouveau style inauguré par le musicien d’Italie. Ainsi, témoignant d’une influence alternée et réciproque, les deux génies, de temps en temps, se répondent et, pour ainsi parler, s’entrelacent. Il viendra même un jour où Mozart, se souvenant de la sonate exécutée naguère à Vienne par le concurrent qu’alors il dédaigna, ne dédaignera pas d’en reprendre les thèmes, pour faire de ceux-ci la merveilleuse ouverture de son dernier chef-d’œuvre, de la Flûte Enchantée. Enfin, quatre ans après la mort de Mozart (1795), à la veille d’entrer dans une de ses périodes de silence, Clémenti composera trois grandes sonates destinées à répondre ou correspondre, en guise d’hommage funèbre, aux trois dernières symphonies de son maître bien-aimé.

Trente-trois ans plus tard, quelle triste récompense devait recevoir tant d’amour ! « En 1828, » écrit Wyzewa, « la veuve de Mozart fit paraître, sous le nom de son second mari, une prétendue « Biographie » de l’auteur de Don Juan, qui n’était, en réalité, que la reproduction de bon nombre de ses lettres. Et comme l’ex-Madame Mozart et son collaborateur... avaient cru devoir y maintenir la plupart des passages où Mozart exprimait sa première opinion sur Clementi... on peut se figurer l’impression que doit avoir ressentie le vieux musicien en se voyant traité de « mechanicus, sans un liard de goût ni de sentiment, » par l’homme qu’il avait, pendant un demi-siècle, le plus passionnément admiré et aimé dans ce monde. » Et si de plus on suppose, avec Wyzewa toujours, que la douleur, le désespoir où l’affreuse révélation jeta Clémenti, lui fit détruire, de sa propre main, ses grandes symphonies, on ne pardonnera pas sans peine à Mozart d’avoir désolé le cœur, un cœur tout plein de lui, et découronné l’œuvre de l’admirable musicien.

Cette œuvre, tour à tour foyer et reflet de celle de Mozart, projette, quoique de plus loin, sur celle de Beethoven, une encore plus vive et plus surprenante clarté.

Pour étudier par rapport au génie de Beethoven celui d’un maître qui fut longtemps l’hôte de l’Angleterre, on y pourrait distinguer, à la façon de certains critiques anglais, les deux élémens qu’ils appellent volontiers la practical et la poetical basis, autrement dit la technique, ou la forme, et le sentiment, ou l’âme. Sur le style des sonates beethoveniennes de Clementi, voici la remarque la plus étendue et la plus profonde que Wyzewa nous ait laissée : « Nous savons, d’après le