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LE FILS, lisant. — « Vous me dites que nos ennemis ont tué mon oncle et mon frère aîné, outre qu’ils ont blessé notre père. Je suis au loin et ne peux vous aider en rien. C’est un grand regret pour moi. Nos ennemis ont maintenant deux vies à leur passif. Il faut que nous tirions prompte vengeance. La responsabilité, je suppose, est entièrement sur la tête de mon plus jeune frère. »

LE PÈRE. — Mais je suis encore bon pour tirer assis.

LA MÈRE, doucement. — Ahmed songe à toutes les dispositions qu’il faut prendre. Les hommes blessés ne peuvent pas penser clairement avant que la fièvre ne soit sortie de leur blessure.

LE FILS, lisant. — « Mon plus jeune frère disait qu’il voulait s’engager comme moi quand la moisson serait faite. Il ne saurait plus en être question. Dites-lui qu’il doit se consacrer à l’œuvre qu’il a sur les bras. » (C’est vrai, je ne peux pas m’engager maintenant.) « Dites-lui de ne pas s’égarer à la recherche des gens qui ont commis le meurtre actuel. Ils auront probablement cherché un refuge de l’autre côté de la frontière dans la zone du Gouvernement. » (C’est encore vrai, c’est exactement ce qu’ils ont fait.) « Réglez le compte avec les plus proches parens de nos ennemis, cela forcera les meurtriers, pour sauver leur honneur, à revenir et à s’occuper de leur propre affaire ; alors, — Dieu aidant, — nous pourrons les ajouter par-dessus le marché. Vengez-nous sans retard. »

LE PÈRE, caressant sa barbe. — Sans retard… C’est la sagesse même. Mon fils est un homme. Que dit-il d’autre, Akbar ?

LE FILS. — Il dit : « J’ai reçu une lettre de Kohat, m’annonçant qu’un certain homme d’une famille que nous connaissons est en route pour venir ici avec un détachement[1] afin de régler avec moi un compte qu’il prétend que j’ai ouvert. »

LE PÈRE, vivement. — Serait-ce Gui Shere Khan, au sujet de cette jeune fille de Peshawer ?

LE FILS. — Peut-être. Mais Ahmed n’a pas peur. Ecoutez ! Il dit : « Si cet homme ou même ses frères désirent venir me retrouver en France, j’en serai charmé. Si, en fait, quelqu’un désire me tuer, laissez-le partir par tous les moyens. Je suis ici présent sur le champ de bataille. J’ai placé ma vie sur un plateau. Les gens de notre pays qui parlent de tuer sont des enfans. Ils n’ont pas vu la réalité des choses. Ici nous ne tournons

  1. De recrues.