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m’a donné un coup de l’entendre demander des teintures ! Il n’en aura pas besoin pour lui d’ici vingt ans.

LE PÈRE, avec mauvaise humeur. — Lis toujours ! Lis bien tout, tel que c’est écrit, mot pour mot. Que dit-il d’autre ?

LE FILS. — Il parle du pays des Français. Ecoutez ! Il dit : « Ce pays est plein d’objets précieux tels que grains, charrues et instrumens, et moutons qui passent la journée couchés dans les champs sans personne pour les garder. Les Français sont un peuple vertueux et ne se volent pas les uns les autres. Il suffit qu’un homme s’approche de quelque chose pour qu’il y ait des yeux fixés sur lui. Prendre un poulet, c’est délier les langues de cinquante vieilles femmes. Je fus averti à mon arrivée que le témoignage de l’une d’elles aurait plus de poids que celui de six honorables Pathans. C’est vrai. Aussi laisse-t-on l’argent et les objets de valeur dans les maisons sans les mettre sous clef. Personne n’ose même y jeter un regard de convoitise. J’ai vu pour deux cents roupies de vêtemens attachés à un clou. Personne ne connaissait la propriétaire : pourtant c’est resté là jusqu’à son retour. »

LA MÈRE. — Voilà un pays qui me conviendrait. Deux cents roupies de vêtemens attachés à des clous ! Elles doivent être toutes des princesses.

LE FILS, continuant. — Ecoutez encore ces merveilles. Il dit : « Nous habitons dans des maisons de briques ; les murs sont peints de fleurs et d’oiseaux ; nous nous asseyons sur des chaises recouvertes de soie. Nous dormons dans de hauts lits qui coûtent cent roupies chacun. Il y a du verre à toutes les portes et à toutes les fenêtres. L’abondance de fer et de cuivre jaune, de poterie et d’ustensiles de cuisine en cuivre ne saurait être évaluée. Chaque maison est un palais rempli de pendules, de lampes, de candélabres, de dorures et d’images. »

LE PÈRE. — Quel pays ! Quel pays ! Que va-t-il pouvoir nous rapporter de tout cela ?

LE FILS. — Il dit : « Les habitans défendent leurs biens jusqu’à la dernière extrémité, ne s’agit-il que de la valeur d’un demi-poulet ou d’un rognon de mouton. Ils ne gardent pas leur argent dans leur maison, mais l’envoient au loin pour le placer. Leurs taux d’intérêt sont très bas. Ils parlent entre eux d’emprunts et de gages et de gagner de l’argent, tout comme nous faisons. Nous autres, les troupes indiennes, nous sommes