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estimées et honorées par tous, surtout par les enfans. Ces enfans ne portent pas de bijoux. Aussi n’y a-t-il pas de meurtre commis pour l’amour de la parure, excepté par l’ennemi. Ces enfans ressemblent à de petites lunes. Ils s’amusent à faire avec de la terre des figures d’hommes et de chevaux. Celui qui peut y ajouter des figures de bœufs, d’éléphans avec leurs palanquins, reçoit de grands éloges. Vous rappelez-vous quand j’en faisais moi-même ? »

LA MÈRE. — Si je me rappelle ? Suis-je une bûche de bois ou une vieille baratte ? Continue, Akbar. Que dit encore mon enfant ?

LE FILS. — Il dit : « Quand les enfans ne sont pas à l’école, ils sont au travail dans les champs dès leurs plus jeunes années. Ils perdent vite toute crainte à notre endroit et nous font manœuvrer par les rues du village. Les plus petits nous saluent à tout propos. Ils souffrent peu de la maladie. Les vieilles femmes d’ici sont expertes en médecine : elles font sécher les feuilles des arbres et leur en font une boisson contre les maladies. Une vieille femme m’a donné une herbe à mâcher pour un ver dans ma dent : cela m’a guéri en une heure. »

LA MÈRE. — Que Dieu récompense cette femme ! Je me demande de quoi elle s’est servie.

LE FILS. — Il dit : « C’est ma mère française. »

LA MÈRE. — Quoi ? qui ?... Combien de mères a un homme ? Mais que Dieu ne l’en récompense pas moins. Ca a dû être cette vieille dent double au fond, à gauche, en bas, car je me rappelle...

LE PÈRE. — Laisse donc, c’est guéri maintenant. Qu’est-ce qu’il écrit encore ?

LE FILS. — Il écrit pour faire ses excuses de n’avoir point écrit. Il dit : « .l’ai été si occupé, et envoyé d’un endroit à un autre, qu’en plusieurs occasions j’ai manqué la poste. Je sais que vous devez avoir éprouvé de l’inquiétude. Mais ne soyez point fâchés. Que ma mère se rappelle que je ne puis écrire que quand j’ai l’occasion. Et le seul remède, quand on ne peut rien, c’est la patience.

LE PÈRE, grognon. — Ah ! il n’a pas encore été blessé et il joue au médecin...

LA MÈRE. — Ces paroles sont sages et belles. Mais qu’y a-t-il encore sur sa mère « française ? » Que le feu la brûle !

LE FILS. — Il dit : « De plus, cette mère française que j’ai