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constamment des questions d’éducation : il voulait que ses enfans fussent élevés dans une haute idée de la dignité et de la solidarité humaines. Un de ses compagnons d’armes le définit « un mystique dont la foi sur la fin regrettait d’être tout humaine, » et il ajoute : « son âme ne pouvait concevoir une vilenie... elle était comme son corps robuste et saine et comme taillée dans le roc... » Dernier témoignage de l’action qu’il exerçait : son ordonnance ne voulut pas quitter sa dépouille et, comme il la veillait en pleurant, il fut tué et vint ainsi se coucher aux pieds de son chef.

Cependant le combat reprend dans la nuit. Du ravin des Fontaines à la crète et aux pentes Ouest du bois Fumin, il faut tenir le terrain conquis. A la faveur de l’obscurité, les Allemands tentent une contre-attaque. Ils rôdent sans bruit, en quête d’un passage. Ils surprennent une sentinelle qu’une grenade écrase. Un éclat atteint un petit caporal de vingt ans, un Landais au nom chantant, Baleslibeau, qui fait partie de la section du lieutenant Philippe. Il a le liane déchiré, mais il se redresse, s’offrant à l’ennemi et crie de toutes ses forces : « Aux fusils, camarades ! » Il est criblé de coups et il meurt ; humble d’Assas dont il faut sauver le nom. Les fusils partent et l’attaque éventée échoue.

Le sous-lieutenant Goury ne survivra à Philippe qu’un demi-jour. Il n’avait cessé de plaisanter à son habitude dans cette terrible journée du 2i octobre qu’en apprenant la perte de son ami. L’aube du 25 fut radieuse : il en respira la douceur avec avidité, puis il dut conduire sa section à l’attaque. Il avait, dès la veille, accepté lui-même de mourir. Cette attaque se heurta à des défenses intactes : Goury, une balle au front, tomba en avant de ses hommes à quelques mètres de la redoute allemande qu’il fallait emporter. Il avait exécuté sa consigne et précédé sa troupe. Ainsi les deux amis furent-ils de la même mort comme ils étaient du même pays...


Au régiment voisin, le 333e, les deux bataillons engagés, le 5e (commandant Deleuze) et le 6e (commandant Lourdel) doivent se succéder, le premier laissant passer le second après avoir conquis les tranchées de Moltke et Fulda comme premier objectif, et les Grandes et Petites Carrières comme deuxième. Pas