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de surprise là non plus : dès que les vagues apparaissent hors de nos tranchées, elles sont accueillies par les feux de mousqueterie et de mitrailleuses. À l’une des compagnies, deux officiers tombent sur trois : le troisième, le sous-lieutenant Bataillard, prend sans désemparer le commandement et franchit la tranchée de Moltke. Cette tranchée qui est légèrement à contre-pente a échappé à nos tirs d’artillerie : les sapes ne sont pas détruites, elle est quasi intacte et fortement occupée. Mais l’ennemi est si stupéfait de notre élan et de notre mépris de ses mitrailleuses en action qu’il lâche ses armes et se rend. Le travail des nettoyeurs est simplifié : seuls, quelques groupes, qui cherchent à se défendre avec des pétards, sont exterminés. En dix minutes, cette première ligne de défense est entièrement conquise.

Un si rapide succès excite, grise les hommes. Ils se précipitent sur les Carrières, ouvrage d’une étendue considérable, qui pouvait être un centre de résistance malaisé à réduire. Les premières vagues les dépassent et vont en battre les lisières Nord. Six mitrailleuses ennemies, sorties en hâte des profondes sapes où elles s’abritaient, n’ont pas le temps de se mettre en batterie. Leurs servans « ahuris de nous voir arriver, écrit un des conquérans, alors qu’ils comptaient certainement sur la protection que leur offrait la tranchée de Moltke, se rendent sans combattre, à part quelques isolés qui sont expédiés. » À midi et quart, les Carrières sont prises et nettoyées, presque sans coup férir. En une demi-heure les deux objectifs ont été atteints, ou presque. Il reste les Petites Carrières Nord. Le sous-lieutenant Bailly y court en reconnaissance avec une demi-section : un groupe d’Allemands veut se défendre, promptement il est mis en fuite. Et l’on s’organise sans retard sur les emplacemens si prodigieusement enlevés. Au boyau Fulda en arrière, la résistance avait continué : les sections Larivière et Védrines en vinrent à bout, mais les deux chefs y laissèrent la vie. L’aspirant Védrines qui commandait les mitrailleurs fut tué comme il dirigeait le tir de ses pièces, debout sous le feu pour mieux voir.

Le bataillon Lourdel, qui doit dépasser le bataillon Deleuze, pour éviter le tir de barrage, se met en marche à peu d’intervalle, franchit les parallèles de départ, puis le premier objectif ; il atteint le deuxième vers deux heures de l’après-midi. De là, il doit se porter plus avant, contourner par l’Ouest le fort de