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Un grand poète de chez nous a écrit que les yeux humains ne sauraient sans se détourner contempler trop longtemps le spectacle de la douleur. « Les déesses mêmes s’en lassent, ajoutait-il ironiquement, et les trois mille Océanides qui vinrent consoler Prométhée sur sa croix du Caucase s’en retournèrent le soir. » Vaux est conquis, et la victoire de Vaux est acquise. Avant de se tourner vers cette victoire, pour que nul ne soit plus tard tenté d’oublier les sacrifices qui la payèrent, pour que soit symbolisée la douleur de Verdun qui précéda la joie de Verdun, le destin a placé devant le triomphe cette vigile que fut, dans le fort désert, la fête des morts.


L’ennemi s’est replié au Nord du ruisseau de Vaux. Le 3 novembre, le 118e prend possession des glacis du fort jusqu’à la ligne de plus grande pente. Le 4, des patrouilles d’officiers explorent le ravin de l’Ouest, jusqu’au cimetière et aux premières maisons du village ; là, elles sont arrêtées par des coups de feu. Mais, dès le lendemain 5, un détachement du 19e régiment peut s’avancer au delà et capturer un sous-officier allemand et quelques hommes. De l’étang au village de Vaux, ce n’est d’ailleurs qu’un vaste marécage. Néanmoins, les ruines sont fouillées et les pentes gardées.

Damloup est, de même, réoccupé le 4 novembre. Un petit poste allemand y fut pris dans une cave. Le sous-officier qui le commandait ayant exprimé son désappointement d’être cueilli au moment d’une relève, nos hommes attendirent cette relève qu’ils emmenèrent par surcroît.

Ainsi nous sommes redevenus les maîtres de tout le plateau et des ravins qui l’entourent et que commandent à leur embouchure les villages de Damloup et de Vaux. Au delà du fort, nous tenons la crête militaire qui, à deux ou trois cents mètres au Nord-Est, domine les pentes abruptes tombant sur la plaine de Woëvre. Notre ligne est rétablie telle qu’elle était au début de mars, avant les attaques directes de l’ennemi contre le fort.