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cieux. Je vous salue, Marie. Je crois en Dieu, — jusqu’à ce que les lèvres de son camarade n’aient plus soif et s’arrêtent de remuer...


Nous sommes de retour, le général Andlauer qui a repris Vaux et Damloup est monté au fort la veille, un des premiers. Comme le général Mangin, comme les généraux de Salins et Passaga, il a passé aux colonies sa jeunesse : il s’y est dressé à l’organisation des territoires et des expéditions. Il en a gardé un goût de l’aventure physique. De Vaux il a rapporté une vision de vase où l’on s’enlize, mais aussi d’orgueil. C’est le dernier captif de la grande bataille de Verdun enfin délivré.

Le plus étrange spectacle qu’il ait rencontré au cours de la guerre, c’est peut-être celui d’un mort que la mort n’avait pas pu renverser. Enfoncé dans la boue plus haut que les genoux, maintenu droit par cette boue coagulée, le casque tombé, la tête saignante, ce soldat tué semblait se raidir pour avancer encore. Il avait gardé la pose de la marche. En passant de la vie à la mort, il avait été changé en statue...

Toutes ces visions d’horreur et de splendeur mêlées forment autour de Vaux un halo légendaire. Comme une sentinelle docile, il a repris son poste au bord de la Woëvre. Il continue de monter la garde en avant de la Ville sauvée. Il vit. Et pourtant, il semble qu’il fait déjà partie de ce patrimoine du passé où les poètes viendront puiser, où les conteurs chercheront des récits pour exalter l’imagination des enfans et leur donner à jamais l’amour et l’admiration de la France...


II. — DOUAUMONT


3 décembre.

Un mois a passé depuis la victoire de Douaumont-Vaux, et déjà il n’en est plus question ici où l’on est tout entier aux derniers préparatifs de la nouvelle opération. Cette nouvelle opération achèvera l’œuvre des 24 octobre et 3 novembre qui a rétabli la barrière fortifiée de Verdun. Vaux et Douaumont demeurent menacés, l’un par les feux d’Hardaumont qui le dominent, l’autre par les observatoires des Chambrettes et de la cote 378 qui ne lui est inférieure que d’une dizaine de mètres. Le