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Windsor. Le 15 novembre, Frédéric VII expirait et le prince de Gluksbourg lui succédait, sous le nom de Christian IX, dans des circonstances critiques qui, l’année suivante, aboutissaient au démembrement de ses Etats, accompli en quelques semaines par la Prusse et l’Autriche. Mais, moins de deux ans plus tard, le mariage de sa seconde fille venait en quelque sorte le dédommager des malheurs de son royaume et de sa maison.

Fiancée d’abord au grand-duc héritier de Russie, la princesse Dagmar avait eu la douleur d’apprendre sa mort avant la célébration de leur mariage. Mais, au moment d’expirer, il avait pris la main de son frère cadet Alexandre, à qui son trépas allait donner le trône, et, la mettant dans celle de leur père qui se tenait à son chevet, il avait dit : « Aimez-le, mon père, c’est une âme de cristal. »

Recueilli par l’Empereur, le mot avait été entendu à Copenhague, et, en 1866, la fiancée veuve épousait celui qui devait être Alexandre III. Si donc le prince impérial s’alliait à la maison de Danemark, il deviendrait le beau-frère d’un futur roi d’Angleterre et d’un futur empereur de Russie, l’allié de la famille régnante de Grèce issue du pays danois, sans parler de parentés plus éloignées avec d’autres dynasties, que lui auraient créées ces alliances.

Il est aisé de comprendre les préoccupations auxquelles une telle perspective devait livrer le ministre français, et on ne saurait s’étonner qu’il se fût empressé d’en faire part à l’un des plénipotentiaires anglais, lord Beaconsfield, qui n’avait pas encore quitté Berlin. Les deux personnages s’étaient liés pendant la durée du Congrès. Il semble même y avoir eu entre eux plus d’attirance réciproque qu’entre Waddington et l’autre ministre britannique, le marquis de Salisbury. C’est donc à lord Beaconsfield qu’ « en toute franchise » Waddington exprima le déplaisir que ressentirait le gouvernement de la République, si ces bruits venaient à se confirmer.

« Je les crois sans fondement, déclara lord Beaconsfield. S’il était question d’un tel mariage, je le saurais. »

Waddington n’était pas convaincu ; les affirmations reçues de Copenhague autorisaient ses doutes. Il insista « sur les embarras intérieurs et les complications extérieures que l’événement pourrait provoquer. » Son interlocuteur ne semblait pas les craindre au même degré que lui, mais ajouta que le