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et que le diplomate français accrédité en Danemark s’était laissé tromper par les apparences. Cependant on ne saurait l’affirmer, bien que, pour démontrer l’invraisemblance des rumeurs dont notre représentant s’était fait l’écho, on puisse rappeler qu’à cette même époque, les familiers du prince impérial laissaient entendre que, s’il avait été libre d’obéir à ses sympathies et aux impulsions de son cœur, c’est sur une princesse d’Angleterre, fille de la Reine, que son choix se serait porté. Au surplus, outre qu’il n’est point aisé de pénétrer dans les secrets des familles royales, un autre événement allait couper court à toutes les incertitudes avant que ce jeune prince eût péri prématurément dans une aventure tragique. Alors qu’à Paris on commençait à peine à se rassurer, on apprenait tout à coup que la princesse Thyra, recherchée par un prétendant dont il n’avait pas été question jusque là, venait, avec le consentement de ses parens, de lui accorder sa main.

Ce nouveau venu n’était autre que le duc de Cumberland, fils du roi de Hanovre, Georges V, qu’en 1866, la Prusse avait dépossédé de ses Etats pour le punir d’avoir pris parti pour l’Autriche dans la guerre austro-prussienne. L’événement s’était accompli le 29 septembre. Trois mois avant, Georges V, vaincu par Manteuffel dans un combat où il avait perdu plus de 4 000 hommes et ne pouvant plus compter sur le secours des Autrichiens mis en déroute, s’était vu contraint de capituler entre les mains du vainqueur. Averti que sa couronne ne lui serait pas rendue, il avait relevé ses officiers et ses fonctionnaires de leur serment de fidélité et s’était réfugié en Autriche, emmenant la reine dont les cheveux, nous dit un contemporain, avaient blanchi en quelques jours et leurs enfans qui allaient être la seule consolation de leur exil. De Pentzing, près de Vienne, il avait protesté contre la spoliation dont il était menacé, en s’engageant à ne jamais renoncer à ses droits. A cette protestation, Guillaume Ier avait répondu en proclamant sans autre forme de procès l’annexion du Hanovre à la Prusse, infligeant du même coup un sort pareil à l’Electorat de Hesse, au duché de Nassau et à la ville libre de Francfort. Le duché de Brunswick, qui devait un jour revenir par héritage à un prince de la maison de Hanovre en sa qualité de représentant de la branche cadette de la famille de Brunswick, échappait à la confiscation, parce que son souverain, le duc Guillaume, dernier