Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 39.djvu/828

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représentant de la branche aînée, s’était soumis à la Prusse en temps utile. Elle le récompensait de sa soumission, en lui laissant son duché, tout en se promettant de ne pas permettre que, lorsque sa mort rendrait vacante sa minuscule couronne, elle échût à un fils du roi proscrit. Guillaume Ier se vengeait ainsi des alliés de l’Autriche, et s’il n’exerça pas sa rancune et son avidité contre la Bavière, c’est qu’il en fut empêché par Bismarck qui ne voyait que péril dans des annexions plus nombreuses, et les lui fît toucher du doigt. Le conquérant n’en resta pas moins mécontent de n’avoir pu annexer à son royaume d’autres territoires. Après la signature du traité de Prague, il disait d’un accent grondeur : « C’est une paix honteuse. »

Douze années avaient passé sur ces événemens, on était en 1878, et le malheureux Georges V, après une fin d’existence obscure et douloureuse, venait de mourir à Paris, le 12 juin, n’ayant pas encore atteint sa soixantième année. C’est son fils Ernest-Auguste, duc de Cumberland, prince en Allemagne par sa parenté avec les Hohenzollern, prince de Grande-Bretagne et d’Irlande, avec le titre et le rang d’Altesse royale en Angleterre, comme issu de la maison des Saxe-Cobourg, qui allait épouser la princesse Thyra de Danemark.

Avant de rappeler les complications et les incidens auxquels ce mariage donna lieu, nous devons raconter comment il s’était fait.

La reine Victoria, qui portait une affection particulière au duc de Cumberland, souhaitait depuis longtemps le voir réconcilié avec la famille impériale d’Allemagne. Après la mort du roi de Hanovre, l’occasion lui semblant propice à une réconciliation, elle avait insisté pour obtenir du prince qu’il renonçât à suivre l’exemple de son père, et à protester contre la confiscation de 1866. D’abord il avait paru disposé à accéder à cette prière. Il s’était engagé vis-à-vis de la Reine à cesser de faire valoir ses droits à la couronne hanovrienne, à la condition que les biens séquestrés qui formaient l’héritage paternel lui seraient restitués, et que ses droits à la succession du duché de Brunswick seraient reconnus par le gouvernement prussien. A ce prix, il se prêterait à une entrevue avec son cousin le prince impérial d’Allemagne qui, à plusieurs reprises, en avait exprimé le désir. Heureuse de cet engagement, la reine Victoria avait chargé lord Beaconsfield de profiter de son séjour à Berlin où l’avait